Rare et précieuse 2

Petite expérience incroyable pour mesurer la rareté d’une existence humaine

Écrit par Paul Baffier

Paul, traducteur du tibétain en anglais et français. Il a été formé à l’INALCO et au Rangjung Yeshe Institute.

Blog | Culture et traditions | Réflexions sur la vie

Dans cet article, Paul nous propose une expérience basée sur un texte traditionnel du grand maître Dzogchèn Patrul Rinpoché.
Rappel de l’épisode précédent :

Ce n’est pas la moutarde, ni même l’eau. Car l’eau, certes, est soutien de la vie ; mais la vie humaine est encore plus rare.

Oui, c’est de la vie humaine dont je veux vous parler.

À une époque où elle est si fragile, où son écosystème est menacé par sa propre activité, il faut rappeler ce que les traditions fondamentales soulignent :

Elle est rare, et précieuse.

 

Patrul Rinpoché, un maître du XIXème siècle, nous propose une sorte d’expérience cosmique qui nous permet de visualiser la rareté de la vie humaine.

 

 

 

Quand on considère les nombres respectifs des différents types d’êtres, on peut mesurer à quel point naître en tant qu’être humain est à peine possible.

(En lisant le texte qui va suivre, il faut se rappeler qu’à l’époque, la pollution lumineuse n’existe pas, et donc, la nuit, quand tu regardes le ciel, tu es perdu dans l’immensité de la Voie Lactée qui se déploie devant toi, tu es remis dans ta perspective de poussière vivante face à l’espace – et ce n’est pas les nombreux bergers qui pratiquaient le Longdé qui vont me contredire…) :

 

Quand on considère les nombres respectifs des différents types d’êtres, on peut mesurer à quel point naître en tant qu’être humain est à peine possible.

Il est enseigné que si les habitants des enfers étaient aussi nombreux que les étoiles dans un ciel nocturne, les esprits avides ne seraient pas plus nombreux que les étoiles visibles le jour ; que s’il y avait autant d’esprits avides que d’étoiles la nuit, il y aurait seulement autant d’animaux que d’étoiles le jour ; et que s’il y avait autant d’animaux que d’étoiles la nuit, il y aurait seulement autant de dieux et d’êtres humains que d’étoiles en plein jour.*

 

*J’ai traduit en français la version anglaise de Padmakara et l’ai remaniée un peu en prenant appui sur l’original tibétain. Merci à eux !

À partir de là, je vous invite maintenant à continuer l’expérience par une charade poético-mathématique (les nombres n’y sont pas forcément exacts et soumis à moults débats), qu’il s’agit de prendre pour un amusement réflexif :

Posons quelques chiffres :

  1. Fin 2022, il y a 8 milliards d’êtres humains sur la planète.
  2. Sur les quelques 200 milliards d’étoiles qui composent notre galaxie, on compte peu ou prou 10 000 étoiles « visibles à l’œil nu » la nuit (les estimations varient aussi).
  3. Tandis que les étoiles visibles le jour, c’est 4 (Vénus, Jupiter, Mars, Sirius).

Donc, si les habitants des enfers étaient aussi nombreux que les étoiles dans un ciel nocturne, ils seraient 10 000, et les esprits avides seraient 4.

Donc l’ordre de grandeur serait 2500 (10 000 divisé par 4).

Je vous passe les détails du calcul un peu fou, mais voici les résultats, en gros :

Sur un total des êtres de 125 050 020 008 milliards, il y aurait 0.0000000063939744 % de chances de renaître en tant qu’être humain ou en tant que dieu. Ce chiffre appartient à ce qu’on appelle « l’infiniment peu probable ».

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Nils et Mila Khyèntsé surenchérissent en disant qu’on pourrait même rajouter des termes à notre calcul. En effet, avoir une existence humaine est différent d’avoir une précieuse existence humaine ; et avoir une précieuse existence humaine est différent de rencontrer un maître ; et rencontrer un maître est différent de recevoir des enseignements qui font mûrir et libèrent ; et c’est encore différent de les mettre en pratique : “on gagnerait en ordre de grandeur 10⁹, donc une probabilité finale de 1021. C’est dix millions de fois moins que le nombre de secondes qui se sont écoulées depuis le début de notre univers (en considérant un âge de 15 milliards d’année). C’est un milliard de fois moins que le nombre de cellules qui composent un corps humain.”

 

On pourra négocier nos chiffres comme on voudra, ils sont accessibles à tous les doutes possibles. Mais ça fait réfléchir.

Selon la tradition, la vie humaine est une denrée rare dans le cosmos. Prenons-en soin.

Prenons-en soin en découvrant son essence, car c’est découvrir l’essence de toute vie.

 

 

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