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Que peut un corps ?

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Écrit par Grégoire Langouet

Doctorant à UCLouvain (Belgique), co-directeur des éditions Vues de l'esprit, traducteur du tibétain.

Blog | Culture et traditions | Réflexions sur la vie

Dans cet article “Que peut un corps ?”, Grégoire parle de ce que la tradition du Dzogchèn appelle la “précieuse existence humaine”.

« Nul ne ne sait ce que peut le corps » écrivait Spinoza*

— un corps humain. Vieille affirmation de philosophe même si elle est pour une fois très concrète. Nul ne sait ? Eh bien si, le Dzogchèn apparemment le sait ! Lui qui apporte plein de réponses — y compris les plus surprenantes (lire l’article de Johanne).

D’abord, un corps humain, on croit que c’est facile à trouver puisqu’on en voit plein autour de soi. Mais quand on y pense un peu, on s’aperçoit que c’est plutôt rare (comme le relève Paul dans son article) et surtout très précieux. Voilà ce qu’affirme le Dzogchèn.

C’est sûr, parfois on aimerait virevolter dans les airs et planer tel un aigle ; s’immerger dans les mers, explorer les abîmes des profondeurs marines. Une vie de mouche ou de moustique ? Là, par contre, il y a souvent moins d’intérêt… Quelle diversité parmi les êtres vivants de cette terre. Il existe tant de formes différentes de la réalité!

Mais pourquoi ne pas accepter ce que l’on est, pleinement ; ce que l’on a : une précieuse vie humaine, avec toutes ses capacités ? Et en faire le meilleur usage possible, au-delà de tout ce que l’on pourrait imaginer — telle est l’une des propositions avancée par le Dzogchèn. Banal ? Pas si sûr…

Car il peut marcher, parler et danser, ce corps – respirer, entendre, voir et toucher, ce précieux corps. Alors réjouissons-nous de tels miracles !

Nous pouvons allègrement déambuler dans les rues, le vent frais caressant notre peau ; nous promener en forêt, nager ou grimper sur les sommets ; faire usage de tout notre corps pour apprécier un repas : regarder, sentir, goûter — et de même avec les autres corps : beauté, chaleur, douceur…

…Que peut un corps ?

 

Au fil de la pratique du Dzogchèn, il se pourrait même que ces activités, si banales en tant que telles, deviennent de vrais émerveillements. En tout cas c’est ce qui m’est arrivé, au fil du temps, avec un peu d’entraînement : comme si je voyais, je mangeais, je sentais pour la toute première fois. Comme si jusque là tout avait été atténué, amoindri, voilé par toutes sortes d’obscurcissements – et en particulier, par beaucoup de pensées !

Car on pense, on interprète, on juge, on plaque d’innombrables étiquettes conceptuelles sur tout ce qui nous arrive – j’aime, je n’aime pas, c’est beau, laid, etc. etc. —, mais on fait rarement l’expérience directe de ce que peut ce précieux corps humain, de manière simple et naturelle — sans trop y penser, en étant juste présent. Ouvrir nos sens, tout notre corps. Être attentif à notre expérience. Ouvrir et ouvrir encore. Élargir notre champ de perception. Devenir vigilant à tout ce qui nous apparaît.

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Que peut un corps ?

Le Dzogchèn nous fait ainsi prendre conscience de l’extrême préciosité de notre condition humaine, dans toutes les situations. Chaque instant est précieux. Aucun moment ne sera jamais le même.

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Présent et ouvert, attentif et vigilant, c’est aussi grâce à notre conscience, à notre esprit que nous le sommes — autre merveille de cette précieuse vie humaine. C’est grâce à toutes ces fonctions (attention, vigilance, intelligence, imagination, etc.) que l’on va pouvoir pleinement apprécier notre vie, et ne plus en manquer une miette !

Petit à petit, avec le temps et de l’entraînement, ce qui était insignifiant et que l’on ne remarquait même pas – nos pieds sur le sol, la fourchette en main, la poignée de porte des toilettes, etc. –, absolument tout va devenir de plus en plus conscient, clair et précis.

Rien ne sera plus laissé de côté. Aucune zone d’ombre ne persistera. Tout sera alors éclairé ! Un profond sentiment de paix en découlera. D’ici-là, nous passerons doucement mais sûrement de l’inconscience du pilote automatique métro-boulot-dodo, à la pleine présence vigilante à tout ce qui se manifeste. Ce qui était ordinaire va redevenir extraordinaire. En voilà alors, une libre et précieuse vie humaine !

Précieuse et libre…

En tant qu’êtres humains, nous sommes toujours attirés par le plaisir et repoussons la souffrance. Mais que l’on pense être libre ou non, que l’on croit souffrir ou éprouver du plaisir, cela ne fait aucune différence. Car pour le Dzogchèn la vraie liberté est de pouvoir utiliser toutes les expériences afin de connaître l’incroyable: il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises expériences.

Le Dzogchèn nous fait ainsi prendre conscience de l’extrême préciosité de notre condition humaine, dans toutes les situations. Chaque instant est précieux. Aucun moment ne sera jamais le même. Ce que nous vivons maintenant, nous ne le revivrons plus jamais par la suite… jamais ! Alors autant ne rien manquer, dès maintenant !

De plus, cette tradition est toujours vivante. Son enseignement est accessible, même en français ! Elle a des maîtres réalisés présents parmi nous – rares, ô combien précieux -, et qui maintiennent vivante la lignée depuis l’origine. Il y a enfin des personnes qui tâchent de la mettre en pratique et qui peuvent nous épauler.

Que rêver de mieux ? Réjouissons-nous ! Nous avons toutes ces rares et précieuses conditions pour nous mettre en chemin. Qui plus est, comme nous sommes sur ce site, un lien est (peut-être) déjà établi…

Chaque instant, unique trésor, ne se reproduira jamais. Savourons-le. Réjouissons-nous de notre rare et précieuse vie humaine. Maintenant, c’est la Grande Perfection !

* Spinoza, Ethique, Livre III, Proposition 2, Scolie (Verum ego jam ostendi ipsos nescire quid corpus possit). Le “cri” de Spinoza selon Gilles Deleuze. BACK

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