Le ciel, les oiseaux et ta mère !
Ecrit par Nils Derboule
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Dans cet article « Le ciel, les oiseaux et ta mère ! », Nils fait le parallèle entre les activités estivales et les Trois Séries du Dzogchèn.
Le ciel, les oiseaux et ta mère !
L’été voit fleurir toute une série de comportements que nous mettons en sommeil les autres saisons de l’année. Le printemps, bien sûr, en voit frémir certains qui, tels les bourgeons des arbres, poussent sous nos habitudes du moment. Mais maintenant que la chaleur s’installe, que les fenêtres s’ouvrent et que les volets se ferment, qu’on cherche l’ombre des ramures ou la fraîcheur de l’eau… oui, maintenant, on peut affirmer que l’été est là.
Et quelle plus belle saison que l’été pour vaquer à l’inutile, au superfétatoire, au dilettantisme réfréné tous ces longs mois d’activités depuis l’an dernier ? Qu’on le veuille ou non, l’insouciance nous gagne. C’est le moment de nous rattraper.
Il y a d’abord cet enfant, fasciné par les écrans mais qui, avec quelques cousins de la maison de famille campagnarde, s’équipe en explorateur : une casquette cool, des chaussettes remontées haut sous le pantalon léger pour prévenir les tiques, des tennis tout terrain, une sacoche avec deux ou trois cookies de la veille… Et le voilà qui part à l’aventure tôt le matin dans les collines environnantes ! Son ambition ? Surprendre la chouette hulotte qui rentre au nid, entendre le pouillot véloce, se laisser charmer par le chant du rossignol, bondir derrière les pies chapardeuses, planer comme les ramiers, surprendre la huppe, tendre le cou pour apercevoir l’obnubilant coucou. Il est tel ce pratiquant de la Grande Perfection : avide de connaître, de cartographier et d’expérimenter cet univers foisonnant qui l’intrigue.
« Mais il n’y a plus rien dans sa tête : elle n’est plus que le ciel infini, l’immensité vide et claire qui la baigne, le bleu d’azur limpide qui coule autour d’elle. »
Il n’est pas midi lorsque notre ornithologue en herbe rentre chez lui, heureux, comblé. Tout le savoir et les connaissances accumulés pendant ces chaudes journées font maintenant partie de lui. Qu’il les voit, les sente, les entende, les imagine même, les oiseaux sont en tout point semblables à la vitalité qui le fait bondir, s’arrêter, regarder, écouter. Voici le chemin de la Série de l’Esprit de la Grande Perfection : tout ce qu’on observe est le pouvoir de manifestation de notre propre esprit.
D’un bougonnement inaudible l’adolescente en colère s’écarte de son père pour rejoindre le moniteur de parapente qui l’appelle. Le temps est au beau fixe : ciel azur, soleil radieux, pas un nuage si ce n’est les trainées moutonneuses des avions en haute altitude. C’est son premier vol, et – autant se l’avouer – elle flippe grave. Vouloir sauter d’une falaise pendue à un bout de toile, il faut être complètement dérangé, et en même temps… Elle a hâte de voir si elle en est capable, et surtout ce que ça fait !
La voilà casquée et harnachée, un dernier selfie pour la bande de copines – elle fait bonne figure mais son coeur manque lui faire éclater la poitrine à chaque battement. Le moniteur, trentenaire, beau gosse mal rasé, s’équipe des parachutes et finit de démêler les fils. Puis il faut y aller. Elle rouvre les yeux. Au bout de la courte piste d’herbe, la falaise. Elle est folle d’avoir accepté ça ! Trop tard, ils commencent à courir, à courir et… Elle réalise qu’elle hurle alors qu’ils planent depuis quelques secondes. “Ça va ?” demande le mono dans son dos. Elle acquiesce par réflexe. Mais il n’y a plus rien dans sa tête : elle n’est plus que le ciel infini, l’immensité vide et claire qui la baigne, le bleu d’azur limpide qui coule autour d’elle. Alors ça, c’est beaucoup plus puissant que tout ce que ses copines vont pouvoir raconter ! Voici la série de l’Espace : l’immensité comme nature fondamentale de notre être.
Et pendant ce temps là, sur la plage, autour d’une partie de Donjons et Dragons, un groupe d’amis d’enfance – désormais jeunes parents – sont encore en train de chambrer l’un des leurs. Toujours serviable, toujours disponible, que ce soit avec eux ou avec de parfaits inconnus, il agit toujours comme il le ferait avec sa mère ! Alors que chacun n’a évidement qu’une seule génitrice dans cette vie, lui voudrait nous faire croire que tous les êtres vivants sont notre mère. Tous, oui, car même les fourmis, il en prend soin ! Quant aux moustiques… Non, mais vraiment ! Et pourtant, il inspire les autres, car toujours égal : parfois pénible, parfois adorable, on a l’impression que rien ne le touche mais que tout lui importe. Il prête sa serviette quitte à frissonner à la sortie de l’eau, laisse passer le tout-venant à la douche de plage, rabroue une mégère qui hurle sur le bambin innocent qui vient de coller sur sa robe son sorbet au cassis. Parfait et imparfait en même temps ! Le paradoxe rendu vivant, avec deux jambes, deux mains et des cheveux mal coupés ! Capable de contempler le ciel sans ciller, et en même temps de s’amuser des mouettes rieuses qui caquettent sans cesse du haut de leur rocher. Voici l’intégration complète de la troisième et dernière série, celle des instructions essentielles de la Grande Perfection : tout est spontanément parfait depuis l’origine.
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