La transmission tibétaine : la transmission selon les 4 initiations du Vajrayana

Écrit par Paul Baffier
Blog | Dzogchèn Introduction générale | Les bases du Dzogchèn | Philosophie dzogchèn
La transmission tibétaine, selon les 4 initiations du Vajrayana, mène à la complète réalisation de la nature ultime de toute réalité.
Série : La lignée
La transmission tibétaine : la transmission selon les 4 initiations du Vajrayana
On dit que la nature de l’esprit (le tathāgatagarbha, « l’essence de la dynamique de l’ainsité ») demeure en nous, et que la chercher serait comme quelqu’un qui a perdu son portefeuille et le recherche désespérément dans toutes les pièces de sa maison, alors même que le portefeuille est dans la poche intérieure de son blouson, tout contre son cœur.
(J’adapte un peu l’histoire de l’homme qui, sans le savoir, dort sur un trésor).
“On dit que la nature de l’esprit (le tathāgatagarbha, « l’essence de la dynamique de l’ainsité ») demeure en nous, et que la chercher serait comme quelqu’un qui a perdu son portefeuille et le recherche désespérément dans toutes les pièces de sa maison, alors même que le portefeuille est dans la poche intérieure de son blouson, tout contre son cœur.”
Pour autant, comme notre esprit est obscurci, le système indo-tibétain des quatre initiations – ou « transmissions de pouvoir », traduction peut-être plus adaptée au terme sanskrit abhiṣeka, et au tibétain dbang (« wang ») – permet de révéler la puissance (dbang a le sens de “pouvoir, puissance, force”) de cette présence en actualisant son potentiel, peu à peu, via des étapes qui servent à la dévoiler en purifiant graduellement les couches de nos obscurcissements…ou de nos trop nombreux blousons.
C’est le rôle, capital, infrangible, du Maître qualifié, fin connaisseur de ce système et l’ayant entièrement réalisé, que de transmettre adéquatement ces quatre initiations qui font mûrir l’esprit du cheminant.
Les quatre transmissions de pouvoir (skt. caturabhiṣeka, tib. dbang bzhi) correspondent à la réalisation successive des quatre Corps des éveillés parfaits, en des expériences directes de plus en plus subtiles, sur le chemin de l’approfondissement de la nature de l’esprit. Pour que « nature de l’esprit » ne soit pas un vain mot ou un concept lointain, mais bien une connaissance immédiate, c’est-à-dire non-médiée par notre imagination conceptuelle et notre tendance à l’abstraction.
La structure des quatre transmissions de pouvoir correspondant aux quatre Corps que l’on trouve, par exemple, dans le système du Longchèn Nyingthik, provient du Guhyagarbhatantra, le tantra-racine, et des autres tantra du Mahāyoga. On la retrouve également dans les tantras insurpassables (skt. anuttarayogatantra, tib. bla na med pa’i rnal sbyor gyi rgyud) des écoles nouvelles :
-
la transmission de pouvoir du vase (skt. kalaśābhiṣeka, tib. bum pa’i dbang) révèle la puissance de la visualisation et, abilitant à pratiquer la phase de création, permet de purifier les actes négatifs du corps, donc les canaux subtils, c’est-à-dire de purifier la forme-support de la manifestation et d’atteindre le Corps d’apparition (skt. nirmāṇakāya, tib. sprul pa’i sku) ;
-
la transmission de pouvoir du secret (guhyābhiṣeka, gsang ba’i dbang) révèle la puissance des mantras et purifie les défauts de la parole en permettant la maîtrise et le raffinage des souffles, et donc l’atteinte du Corps de parfaite plénitude (skt. saṃbhogakāya, tib. longs spyod rdzogs pa’i sku) ;
-
la transmission de pouvoir de la connaissance supérieure-connaissance primordiale (skt. prajñājñānābhiṣeka, tib. shes rab ye shes kyi dbang) purifie les imperfections de l’esprit et actualise les pratiques de félicité-vacuité de la phase de perfection (skt. sampannakrama, tib. rdzogs rim) via la capacité à pratiquer chandali, le feu intérieur, ce qui permet de réaliser le Corps de réalité (skt. dharmakāya, tib. chos kyi sku) indifférencié de Samantabhadra ;
-
la transmission de pouvoir de la réalité du mot (tib. tshig don gyi dbang, appelée aussi « quatrième transmission de pouvoir », skt. caturthābhiṣeka, tib. bzhi pa’i dbang) purifie la triade du corps, de la parole et de l’esprit en consumant (‘tshig) la conscience base-de-tout (skt. ālayavijñāna, tib. kun gzhi rnam shes) et l’obscurcissement cognitif : c’est alors la réalisation du Corps d’essence vide (skt. svabhāvavikakāya, tib. ngo bo nyid sku) qui est rendue possible, l’essence des Trois Corps, la nature de l’esprit dans sa pure plénitude.
Le chemin du Dzogchèn radical est plus direct : pas besoin d’enlever tous vos vêtements les uns après les autres si votre blouson a une fermeture-éclair. Dézipez simplement.
Bibliographie
Jamgön Kongtrul, Esoteric Instructions, The Treasury of Knowledge, (trad. Sarah Harding), Snow Lion, New York, 2007.
Jigmé Lingpa, « Gourou Yoga », Manuel du Longchèn Nyingthig Ngöndro, Rimé Thrinlé Ling, Paris.
Philippe Cornu, « Les spécificités du Mahayoga par rapport à l’Anuyoga », Droupdra, 4.1, Institut Khyèntsé Wangpo, Paris, 2025.
Plus d’articles
Histoires lorsque la lumière décline
Dans « Histoires lorsque la lumière décline », Mila Khyentse se souvient des histoires de son maître, des histoires de Jack-o’-lantern.
La Base (gzhi)
Cet article « La Base (gzhi) » est le premier d’une nouvelle catégorie pour mieux comprendre les mots et concepts essentiels du Dzogchen.
L’appel de la lignée
Dans « L’appel de la lignée » Mila Khyentse parle de la lignée Dzogchèn de son maître Alags Chörten, appelée « la lignée de Diébou ».




