Avec confiance tout simplement

Écrit par Grégoire Langouet
Blog | L'aventure Dzogchèn | Les bases du Dzogchèn
Comment arpenter le chemin de la Grande Perfection ? Grégoire propose de le faire, par-delà les doutes, “avec confiance, tout simplement”.
Série : Comment pratiquer le chemin du Dzogchèn ?
Avec confiance, tout simplement
Si le (non-)chemin du dzogchen se parcourt à la Base, que celle-ci est le résultat toujours déjà présent, et que la rencontre de la Grande Perfection est la condition indispensable pour commencer ce chemin, on est en droit de se demander : mais comment ça marche tout ça ?
Pour y répondre, il faudra certainement des années… Alors prenons notre mal en patience ! Mais outre cette qualité, d’autres ingrédients seront indispensables. Il y en a un auquel je tiens toutefois beaucoup, car je crois qu’il me fait cruellement défaut : c’est la confiance.
Vous me direz que c’est lié à l’éducation, au milieu social, etc. ; qu’il faut que je travaille à booster ma « confiance en soi » et que ce n’est pas le rôle d’un chemin spirituel, mais plutôt d’une approche psychologique – préparation au chemin préparatoire. Soit. Mais disons que c’est bon de ce côté là. Faisons comme si en tout cas.
Demeurent toutefois des questions, des doutes : est-ce bien le bon chemin pour moi ? Est-ce que je suis prêt à commencer ? Ce maître, est-ce la figure du Maître qu’il me faut ? Et les gens autour de moi qui pratiquent, ou essaient, est-ce que je peux leur faire confiance ? Etc. etc. Et c’est sans fin… Le mental s’emballe et peut tout remettre en cause. Tout est critiquable par l’esprit conceptuel (sems) ; c’est son job. Il est là pour douter, questionner, analyser. Mais comme le dit souvent Dzongsar Khyentsé Rinpoché, si l’on raffole du jeu de notre esprit critique, il faut le pousser jusqu’au bout, ne pas s’arrêter à mi-chemin, et alors critiquer la critique elle-même et… douter du doute. C’est alors que pourra se développer… la confiance !
“Doutes et questions laissent alors place à la confiance. La confiance certaine en la Grande Perfection elle-même.”
La traduction habituelle du tibétain dad pa (prononcer “dépa”, skt. śraddhā) est foi. Mais la confiance nous a semblé plus juste au Comité de traduction de Dzogchen Today!. La tradition bouddhiste parle de trois (ou quatre) types de foi ou confiance (dad pa gsum) qui se développent progressivement sur le chemin. On est d’abord attiré, magnétisé, fasciné par tel ou tel aspect du Maître, des enseignements, des pratiques, etc. ; c’est la confiance vive (dwang ba’i dad pa), l’étincelle initiale. Puis se développe l’envie profonde de poursuivre ce chemin ; c’est la confiance désirante ou d’aspiration (‘dod pa’i dad pa) ; on souhaite ardemment continuer. Enfin, chemin faisant, on parvient à stabiliser une confiance pleine et entière (yid ches kyi dad pa), une réelle conviction s’est faite jour. Elle devient même irréversible, rien ne peut plus alors la renverser (phyir mi ldog pa’i dad pa).
Bien entendu cela aura pris du temps pour passer de la complexité du questionnement à la simplicité de la confiance. C’est souvent lentement et progressivement que le voile des doutes se dissipe, que les « obscurcissements mentaux ou cognitifs » (shes sgrib) s’évaporent. Les questions qui étaient pour nous essentielles sur le chemin (« où en suis-je ? ; est-ce que je pratique correctement ? ; et le souffle, et la posture, et la visualisation ? » etc.) se sont tout simplement évanouies. Disparues. Plus là. Le doute s’est dissout dans sa propre nature : la vacuité-luminosité d’un événement mental, sa nature essentielle dynamique. Doutes et questions laissent alors place à la confiance. La confiance certaine en la Grande Perfection elle-même – en le Maître primordial, la Base de la Réalité, la manifestation souveraine de l’expression naturelle de l’essence vide universelle (ngo bo rang bzhin thugs rje). Rien que ça !
C’est alors le lien fondamental à la nature primordiale, la nature même de notre propre esprit qui une fois suffisamment reconnue devient notre chemin. Toutes ces traditions parlent alors de la pratique essentielle, la pratique du cœur, à conserver jusqu’au bout : la pratique d’union avec l’esprit (dgongs pa) du Maître (skt. guru yoga ; tib. bla ma rnal ‘byor). Ce lien est la confiance absolue et inébranlable en l’essence vide et la nature lumineuse de toute la réalité. Et les Trois aphorismes de Garab Dorjé ne disent pas autre chose : introduction, confiance, “laisser-être”. Il n’y rien d’autre à faire : demeurer dans la détente naturelle (rnal du dbab pa), l’état de contemplation (mnyam bzhag). Rayonne alors, en toute confiance, l’évidence primordiale (rig pa).
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