Le chemin illusoire
Écrit par Mila Khyentse
Blog | L'aventure Dzogchèn
Dans “Le chemin illusoire”, Mila Khyentse parle du non chemin de la Grande Perfection où comment marcher avec l’illusion…
Série: Le chemin dans le Dzogchèn
Approfondir le chemin
Le chemin illusoire
Une des expressions les plus courantes lorsque l’on parle de la Grande Perfection est de la déterminer comme « Base, chemin et fruit » (tib. : gzhi lam ‘bras bu). Ces trois-là, comme « Vue, méditation et intégration » (tib. : lta sgom spyos gsum) ne peuvent être séparés. La réalité du chemin, de la pratique de la Grande Perfection, ne peut donc pas exister sans la vue, la base, et le fruit, c’est à dire le résultat.
Comme le dit Jigmé Lingpa, dans La prière de la Base, du chemin et du fruit dans L’Essence du cœur du grand espace matriciel (tib. : kLong chen sNying thig) :
Puisque c’est pur depuis le début, même le terme « vue » n’existe pas.
Puisque c’est l’essence vide naturelle, la couverture de la méditation tombe.
Puisque c’est dépourvu d’objet, l’intégration n’est ni à tenir ni à libérer.
Entrant dans l’expression naturelle matricielle, l’état nu sans complication,
Puisse-t-il n’y avoir ni déviation ni erreur concernant ce point crucial du chemin !
(རང་ངོ་རྣམ་དག་སྐྱེ་མེད་ཀ་དག་ལ༔ ལྷུན་གྲུབ་འདུས་མ་བྱས་པའི་གདངས་ཤར་བ༔ གུད་དུ་མ་བཟུང་རིག་སྟོང་ཟུང་འཇུག་ཆེར༔ རྟོགས་པས་གཞི་ཡི་དགོངས་པ་ཚད་དུ་ཕྱིན༔ ལམ་གྱི་གནད་ལ་གོལ་ཕྱོགས་མེད་པར་ཤོག༔)
“Nous n’avons pas à changer quoi que ce soit dans notre existence. C’est l’obtention là où c’est, c’est-à-dire là où je suis réellement : ici et maintenant.“
Ainsi, le Dzogchèn, la Grande Perfection, étant pur à la Base, aucune vue ne peut le déterminer, aucune pratique ne peut l’atteindre et aucun résultat ne peut être maintenu. Voilà pourquoi on parle de chemin illusoire, car rien n’est à faire, à purifier ou à parfaire dans la pratique de la Grande Perfection. C’est un état « ultime » où vue, méditation et intégration ainsi que Base, chemin et fruit sont là en même temps, au même endroit, au sein de la nature-même de notre propre esprit. Rien n’est à chercher et donc à atteindre. Voilà le chemin qui n’est pas un chemin. Ainsi, nul besoin de se recouvrir de la couverture de la méditation car elle n’existe pas réellement dans la pratique de la Grande Perfection. Le point crucial du chemin, c’est de demeurer dans l’état naturel (tib. : gnas lugs), l’état nu sans complication qui est ainsi non fabriqué et non entretenu par une pratique méditative factice. Rien à faire car tout est à la Base.
Facile à dire ? Peut-être. Facile à faire ? Sûrement pas, même si c’est la pratique la plus simple qui puisse exister.
Comme il est dit dans les « Quatre façons de laisser tel quel » (tib. : cog bzhag bzhi), la pratique principale de Trèkchö (tib. : khregs gcod), « Dénouer la fixation » :
Quelle que soit la position du corps, c’est celle de la pratique. Quelle que soit la position des yeux, c’est celle de la pratique. Quelles que soient les apparences, ce sont celles de la pratique. Quel que soit l’état, c’est celui de la pratique.
Doit-on alors mettre en application quelque chose de spécial dans le Dzogchèn ? Non, simplement appliquer la vue de la Grande Perfection dans toutes les activités du corps, de la parole et de l’esprit. Nous n’avons pas à changer quoi que ce soit dans notre existence. C’est l’obtention là où c’est, c’est-à-dire là où je suis réellement : ici et maintenant. Constamment. Peu importe les conditions, peu importe mon adhésion à ou mon rejet de celles-ci, peu importe ce que je pense qui existe ou non. Je ne fais que prendre l’illusion comme chemin (ce que l’on appelle le “chemin des apparences”) autant que sa nature primordiale (le chemin de la vacuité), clarté-luminosité (tib. : ‘od gsal).
Voici le principe de la pratique de la Grande Perfection : l’illusion du chemin ou le chemin illusoire. Rien de plus simple…
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