Histoires de vol pour Halloween

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Ecrit par Mila Khyentse

Mila Khyentse est un enseignant français du Dzogchèn et du Bouddhisme tibétain et l'initiateur du projet Dzogchen Today!

Blog | Culture et traditions

Dans “Histoires de vol pour Halloween”, Mila Khyentse se rappelle d’histoires de saison du maître de son maître, Khenpo Norbou Zangpo.

Série : Halloween

 

Histoires de vol pour Halloween

Comme chaque année à cette saison, on raconte quelques histoires au coin du feu en faisant griller des marrons.

Je me souviens d’ailleurs de quelques histoires racontées jadis par mon maître Alags Chörten au sujet de son maître Khenpo Norzang (Norbou Zangpo). Deux me sont notamment restées en mémoire.

La première commence au milieu de nulle part, dans les montagnes de l’Est tibétain où mon maître et le sien étaient loin de tout, en retraite solitaire dans les montagnes. Ils venaient de quitter les prisons et Khenpo, à cause des blessures subies, ne pouvait quasiment plus marcher. Alags n’était pas non plus « très frais » comme il me l’avait souligné en plaisantant ! Ainsi donc, Alags avait l’habitude de voir son maître clopiner difficilement à l’aide d’une canne toute la journée.

Une nuit, alors qu’il terminait une pratique assez tard, il entendit du bruit au-dehors de son ermitage. On aurait dit quelqu’un en train de courir et de bondir. Intrigué, mon maître se leva pour aller voir. La lune inondait le paysage de sa lumière argentée et il avait du mal à distinguer quoi que ce soit en sortant de la pénombre de sa grotte-ermitage. Soudain, il aperçut un être pareil à un humain se déplaçant en volant entre deux rochers. « Un démon ! » pensa-t-il de suite. Il s’avança pour mieux le voir et se cacha derrière un rocher pour observer cet être démoniaque sans être remarqué. Quelle ne fût pas sa surprise lorsqu’il se rendit compte que l’être en question avait les traits de son maître ! Il n’en croyait pas ses yeux : en fait, son maître (?) marchait en parfait équilibre sur une corde très fine tendue entre deux rochers, sans la moindre difficulté. « Ce n’est pas possible », se dit-il, « mon maître ne peut se déplacer comme ça ! Ce doit être un démon ! ». N’insistant pas, il rebroussa chemin sans un bruit et partit se coucher, non sans un certain nombre de questions à l’esprit.

« Ce qui m’a le plus frappé, ce n’est pas ce qu’il me dit à ce moment-là, mais le fait qu’il répéta mot pour mot ce que j’avais pensé en le voyant ! »

dzogchentoday-histoires-de-vol.jpg ©Mila Khyentse

Le lendemain matin, il alla voir Khenpo Norzang dans son ermitage et lui dit : « Maître ! Je vous ai vu dans la nuit marcher sur une corde comme si vous n’aviez plus aucune difficulté à vous déplacer. En plus, vous aviez l’air de flotter complètement dans l’espace. » Son maître lui répondit : « Allons, ce n’est pas possible, Lobsang, ton maître ne peut se déplacer comme ça ! Ce devait être un démon ! ». Alags n’insista pas et ils n’en reparlèrent plus jamais.

Lorsqu’il me raconta ceci, Alags conclut par ces mots : « Ce qui m’a le plus frappé, ce n’est pas ce qu’il me dit à ce moment-là, mais le fait qu’il répéta mot pour mot ce que j’avais pensé en le voyant ! ».

La seconde histoire avait été racontée à mon maître par Khenpo Norzang. Elle prend place près du monastère de Dzogchèn, dans l’Est tibétain. Alors que Khenpo Norzang était encore jeune et pas encore un érudit ni un grand pratiquant, il entendit parler, par des villageois d’un petit village à proximité duquel il vivait, de « sorcières », des “Dakinis mangeuses de chair”. Intrigué, il y alla pour vérifier ce qui se racontait. Sur place, un certain nombre de personnes lui narrèrent que la nuit venue, quatre ou cinq sorcières avaient été vues se déplaçant dans le ciel, à basse altitude, en train de proférer des malédictions à l’encontre de la population. D’aucuns pensaient que la prochaine étape allait être un festin de villageois !

N’ayant plus le temps de rentrer chez lui avant la nuit, Norbou Zangpo avisa une petite nonnerie juste à la sortie du village et demanda s’il pouvait rester dans un bâtiment attenant. Au milieu de la nuit, il se réveilla en ayant l’impression d’entendre des récitations. Quelle ne fût pas sa surprise lorsqu’il sortit et vit, en train de flotter lentement en descendant vers le sol, quatre nonnes en train de réciter des mantras ! Ainsi, les sorcières des villageois étaient des nonnes qui récitaient des mantras…

Le lendemain matin, il alla les voir et les nonnes lui racontèrent qu’elles s’entraînaient à certaines pratiques spéciales durant la nuit et qu’elles se dirigeaient vers le village pour que leurs récitations soient bénéfiques aux villageois. Il leur dévoila ce que ceux-ci racontaient à leur encontre et elles décidèrent, pour ne plus les effrayer, d’aller voler de l’autre côté, là où il n’y avait personne et d’aller réciter des mantras pour les animaux (ou les démons ?) qu’elles croiseraient !

Et (le futur) Khenpo Norzang de repartir vers ses propres pratiques…

De bonnes histoires pour cette saison !

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