L’instruction du pointé de bâton
rGad po la mkhar btsugs kyi gdams ngag
Révélation (gter ma) de Nyangräl Nyima Özer (Myang ral Nyi ma ‘Od zer, 12e siècle).
Écrit par Translation Committee
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L’instruction du pointé de bâton est un texte trésor Dzogchèn redécouvert par Nyangräl Nyima Özer, traduit par le Comité Dzogchen Today!
L’instruction du pointé de bâton au Vieil Homme
Du temps où le Grand Maître Padmasambhava demeurait à Samyé, Ngok Sherab Gyalpo, un homme âgé de soixante-et-un ans, qui n’avait pas beaucoup étudié, mais qui avait une foi exceptionnelle et une grande dévotion à l’égard du Maître, le servait alors pour une année à l’ermitage de Drakpoché. Pas une fois il ne lui fit la requête d’un enseignement et pas une fois le Maître ne lui en donna. Au terme de cette année, alors que le Maître s’apprêtait à partir, Ngok lui offrit une fleur d’une once* d’or qu’il avait déposée sur un mandala et lui demanda :
« Grand Maître, je t’en prie, par compassion accorde-moi la présence éveillée. D’une, j’ai peu étudié. De deux, mon intelligence est mince. Et de trois, je suis vieux et usé. Grand Maître, s’il te plaît, accorde-moi un enseignement facile à comprendre, qui coupe toutes les projections externes et internes**, facile à réaliser, qui possède cette grande activité de la vue***, facile à pratiquer, qui me soit bénéfique dans la prochaine existence, moi qui suis un vieux proche de la mort. »
L’instruction du pointé de bâton
“Vieil Homme, pratique cette réalité avérée. Adopte une pratique continuelle. Ne confonds pas les mots et leur sens. Ne te sépare pas de ton amie la persévérance. Maintiens la nature de l’esprit par la minutie du rappel.”
L’instruction du pointé de bâton
Le Maître pointa alors le cœur du Vieil Homme avec son bâton de marche et lui donna l’instruction suivante :
« Ecoute Vieil Homme !
Regarde l’évidence primordiale naturelle, l’esprit pur et parfait,
Il est sans forme ni couleur,
Il est sans centre ni périphérie.
Pour commencer, il vient de nulle part, c’est vide.
Pour continuer, il ne demeure nulle part, c’est vide.
Pour finir, il ne va nulle part, c’est vide.
Vide, il n’existe d’aucune façon.
Si tu connais l’essence de ce que tu vois comme étant clair et limpide, tu connaîtras par toi-même l’essence vide naturelle. Tu auras compris la vraie nature des phénomènes. Tu verras la nature fondamentale de l’esprit. Tu établiras en toute certitude l’état naturel de la réalité ultime des choses et tu auras tranché les projections sur les phénomènes connaissables.
Comme l’esprit pur et parfait ne peut être définit comme une chose, il demeure naturellement présent en toi. Et parce que tu ne le trouves jamais ailleurs, il t’est donc facile de réaliser la Réalité ultime des phénomènes. La réalité de l’esprit n’a rien à voir avec un sujet et un objet, elle transcende les limites de l’éternalisme et du nihilisme. Il n’y a rien qui obtienne l’Éveil car l’éveillé parfait lui-même est simplement l’évidence primordiale en toi.
Il n’y a rien qui puisse aller dans les enfers car c’est une présence naturellement pure. Il n’y a rien à faire avec les phénomènes, leur réalité ultime est naturellement claire. Comme ce grand état naturel est en toi, et que tu ne le trouves nulle part ailleurs, comprends-le une bonne fois pour toutes. Une fois que tu auras réalisé cette vue, que tu voudras la mettre en pratique, ton corps deviendra alors ta cabane de retraite en montagne, le lieu qui demeure naturellement libre. Peu importe ce qui s’élève de manière extérieure, ce sont les apparences qui apparaissent naturellement ; le vide qui est naturellement vide. Laisse-les telles quelles, sans rien complexifier. Ainsi, les apparences étant tes amies, sont pures en elles-mêmes, et tu les prends comme chemin.
Ainsi, quelles que soient les pensées qui apparaissent de manière interne, quels que soient les mouvements de l’esprit, ils sont dénués d’essence propre**** et sont donc vides. Qu’ils apparaissent ou qu’on les pense, ils sont purs en eux-mêmes. Une fois la claire nature de l’esprit trouvée, les mouvements et pensées pris comme chemin, il est aisé de pratiquer ! Quelles que soient les passions qui s’élèvent en cachette, observe-les et elles s’apaisent sans laisser de traces. Les passions sont pures en elles-mêmes, il est facile de pratiquer !
Instruction 1
“Regarde l’évidence primordiale naturelle, l’esprit pur et parfait, Il est sans forme ni couleur, Il est sans centre ni périphérie.”
Instruction 2
“Laisse-les (les apparences) telles quelles, sans rien complexifier.”
Instruction 3
“Quelles que soient les passions qui s’élèvent en cachette, observe-les et elles s’apaisent sans laisser de traces.”
“Puisque tu comprends que tu as en toi la Réalité ultime des phénomènes, sans partialité ni catégorie, plus de quantité d’études à faire !“
Dès qu’on pratique de la sorte, la méditation graduelle n’est plus différente de la contemplation. En reconnaissant tout comme un ami, la clarté des expériences n’est plus obscurcie, la nature ultime des phénomènes n’est plus interrompue, et ton action ne connaît plus de limites. Quelle que soit la situation, il n’y a plus d’allées et venues dans la Réalité ultime des phénomènes. Une fois cela réalisé, et même si ton corps est vieux, pas de vieillesse dans l’esprit pur et parfait ! Pas de jeunesse ou de vieillesse non plus !
Puisqu’il n’y a ni partialité ni catégorie dans la Réalité ultime des phénomènes, lorsque tu connaîtras l’essence qui est en toi, cette connaissance primordiale de la Réalité des phénomènes, l’évidence primordiale, peu importera que tes facultés soient aiguisées ou émoussées. Puisque tu comprends que tu as en toi la Réalité ultime des phénomènes, sans partialité ni catégorie, plus de quantité d’études à faire ! Un corps est juste un reflet de matière et d’esprit, tandis qu’il n’y a pas d’interruption dans le Corps de Réalité, la connaissance primordiale, l’évidence primordiale. Puisque la stabilité immuable est obtenue, plus de vie courte ou longue à avoir ! Ainsi est-il dit.
Vieil Homme, pratique cette réalité avérée. Adopte une pratique continuelle. Ne confonds pas les mots et leur sens. Ne te sépare pas de ton amie la persévérance. Maintiens la nature de l’esprit par la minutie du rappel. Ne prends pas plaisir dans les bavardages futiles et les rumeurs. Ne te laisse pas empêtrer dans les préoccupations ordinaires. N’accorde aucune importance aux problèmes familiaux. Ne développe pas un grand attachement envers la nourriture et la boisson. Pense à la mort quotidiennement. La vie est courte, avive ta persévérance ! Pratique donc cette instruction à destination d’un vieux proche de la mort. »
En même temps que le Maître donnait cette instruction, il pointait son bâton vers le cœur du Vieil Homme, c’est pourquoi elle est connue sous le nom de « l’instruction du pointé de bâton au Vieil Homme ».
Ngok Shérab Gyalpo se libéra et obtint les accomplissements.
Pour le bien des futures générations, la Princesse de Kartchen***** coucha par écrit ces enseignements, également connus sous le nom de « L’Instruction du Pointé de Bâton ».
RGYA RGYA RGYA (Scellé, scellé scellé).
*1 once est égale à 29 grammes. RETOUR
**Littéralement : une exagération imputée, une spéculation (sgro) que l’on appose, que l’on plaque (’dogs) à tous les phénomènes. C’est donc la projection mentale. RETOUR
***(lta kham che ba) : grande activité de la vue, grande action par la vue. RETOUR
****Essence propre : dans ce contexte, il s’agit de “l’essence substantielle”, c’est à dire de la notion existentielle comme base de l’existence. RETOUR
*****Yéshé Tsogyäl. RETOUR
Vous trouverez le texte tibétain ici : https://www.lotsawahouse.org/bo/tibetan-masters/nyang-ral-nyima-ozer/pointing-the-staff
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