L’origine du monde 3 : les phénomènes universels

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Écrit par Mila Khyentse

Mila Khyentse est un enseignant français du Dzogchèn et du Bouddhisme tibétain et l'initiateur du projet Dzogchen Today!

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Dans cet article “L’origine du monde 3 : les phénomènes universels”, Mila Khyentse parle de l’origine et de la mort des phénomènes universels.

L’Origine du Monde 3 : Les phénomènes universels

Notre univers, notre monde, notre réalité physique n’existent pas indépendamment de notre esprit selon le Dzogchèn. Comme nous l’avons vu dans les articles précédents (L’origine du monde 1 et l’origine du monde 2), la nature de l’esprit se manifeste sous la forme de cinq luminosités qui sont « interprétées » par notre conscience comme des manifestations extérieures à nous : les cinq éléments. Ces derniers sont les briques essentielles de notre perception et de notre compréhension de l’univers et des êtres qui le peuplent. Au niveau de la base du cosmos, les éléments représentent les grandes forces de la réalité comme la gravitation, le temps et l’espace. Leur danse cosmique donne naissance aux dimensions (au nombre de 10), à l’infinité des univers, aux galaxies innombrables de l’espace extérieur. Les phénomènes évoluant au sein de ces galaxies et univers, issus du barattage des éléments, sont infiniment innombrables, comme un rayon de soleil frappant un cristal peut se réfracter en une multitude de rayons. Pourtant, malgré cette magnifique danse magique et hypnotique de la réalité, il ne faut jamais oublier que c’est nous qui la percevons et qu’elle se passe ainsi au sein de notre propre esprit. C’est là, véritablement, où le ballet des éléments prend place et que la danse de la réalité des univers se déploie.

“La naissance et la mort de l’univers se passent également entre chacune de nos pensées et on s’entraîne à percevoir sans erreur cette danse sur le chemin de la Grande Perfection.”

 

Ainsi, en premier, notre expérience de la réalité prend sa base sur une sensation de solidité, de tangibilité : nous marchons sur la terre qui est solide, nous attrapons des objets qui sont solides, nous voyons des formes solides, matérielles et individuelles, grâce à l’élément terre – la luminosité jaune – interprété par notre conscience comme la base tangible de toute notre expérience. C’est ce qui correspond à la réalité matérielle, surtout pour nous Occidentaux, et au monde des formes pour les traditions bouddhiste ou dzogchèn.

Ensuite, au sein de notre expérience de l’univers, il y a la fluidité, la relation, l’échange, qui proviennent de la réalité des sensations issues de l’élément eau – la luminosité blanche – qui déterminent tout ce que nous ressentons et entendons.

Puis, c’est l’élément feu – la luminosité rouge – qui permet à notre conscience d’interpréter la réalité de l’univers en tant que vie, chaleur, existence et permet de déterminer de façon individuelle les êtres ou les objets. C’est également cet élément qui nous pousse à continuer à être, à vivre, car c’est la force du désir. Il est associé aux odeurs.

En suivant, c’est l’élément air – la luminosité verte – qui contient l’énergie vitale qui fait se mouvoir la réalité de l’univers et se déplacer notre volonté, notre conscience, ou les astres. Cet élément nous permet d’interpréter la réalité en goût et en texture (toucher).

Enfin, c’est l’élément espace – de couleur bleu profond – qui est le siège de notre conscience, la base infinie et impalpable de toute notre réalité, de laquelle se déploie les autres éléments et donc tous les phénomènes.

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Pour le Dzogchèn, cette danse est celle de la compassion universelle, celle de la générosité et de l’amour infaillibles et sans fin de la véritable nature de notre propre esprit. C’est comme si, à chaque naissance et à chaque mort de la réalité, tous les phénomènes nous indiquaient qu’il n’y avait nulle peur, nulle souffrance, mais seulement un jeu magnifique, magique, de création et d’accomplissement de nous-même au sein de la multitude des univers. Certes, nous sommes des êtres humains, mais notre esprit ne connaît aucune autre limite que celle que l’oubli de cette danse naturelle de l’univers lui impose. Cette danse, c’est celle de la terre, de l’eau, du feu, de l’air et de l’espace.

C’est d’ailleurs exactement dans ce sens que se dissout notre expérience de l’univers, du monde, de la réalité au moment de notre mort selon le Bardo Thödöl (bar do thos grol), le fameux livre des morts tibétain (qui est en fait un texte trésor dzogchèn). L’élément terre se dissout dans l’eau, l’eau dans le feu, le feu dans l’air et l’air dans l’élément espace ou conscience. Les phénomènes universels qui représentaient une réalité extérieure globale deviennent à nouveau la réalité intérieure des luminosités vides de notre propre esprit que l’on rencontre au dernier moment, si nous n’avons pas eu l’opportunité de les percevoir durant notre existence.

Ainsi, pour le Dzogchèn, les phénomènes universels naissent dans la nature de notre esprit et y retournent à chaque respiration cosmique, à chaque fois que Brahma, le dieu des dieux de la réalité, meurt pour renaître à nouveau. La naissance et la mort de l’univers se passent également entre chacune de nos pensées et on s’entraîne à percevoir sans erreur cette danse sur le chemin de la Grande Perfection. Si nous parvenons à la percevoir réellement, directement, alors nous savons où et comment naît l’univers et nous savons également comment et où il termine son pas de deux, celui de la danse de la dualité.

Notre univers, notre monde, notre réalité n’ont (n’a ?) désormais plus la même saveur…

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