L’âne et le boeuf au Pays des Neiges
Écrit par Mila Khyentse
Blog | Culture et traditions
Dans « L’âne et le boeuf au Pays des Neiges », Mila Khyentse parle de Noël, d’animaux et de nomades tibétaines.
Series: Noël
L’âne et le boeuf au Pays des Neiges
Parmi les figures les plus protectrices et les plus bienveillantes du temps de Noël se trouvent le bœuf et l’âne qui soufflent sur l’enfant Jésus pour le réchauffer. Ces deux figures tutélaires protectrices ont été largement connues grâce à un chant de Noël intitulé « Entre le bœuf et l’âne gris » du XVIè siècle, héritier des Mystères de la Nativité du Moyen Âge. Comme le dit le chant : « Entre le bœuf et l’âne gris, Dors, dors, dors le petit fils ». Ils sont souvent représentés à droite et à gauche de l’enfançon, le bœuf étant l’occupant habituel de l’étable dans laquelle la sainte famille s’est abritée et l’autre, l’âne mené par Joseph, aurait porté Marie enceinte de Nazareth à Bethléem. Ils sont donc naturellement présents pour l’arrivée de Jésus qu’ils accueillent et sur lequel ils veillent dès la naissance.
« N’oublions donc pas que l’âne et le bœuf, comme tous les autres animaux, sont bien plus que des êtres utilitaires. »
Cela me rappelle plein d’histoires des nomades tibétains chez qui l’interaction avec les animaux domestiques est fondamentale et possède la même dimension mythique que celle de l’âne et le bœuf. Les Tibétains nomades (‘brog pa, prononcer “drokpa”) vivent en effet en symbiose avec la faune et la flore les entourant et ils considèrent que les animaux domestiques avec lesquels ils vivent sont des supports très importants de leur force vitale (bla srog). Ainsi, les nouveau-nés nomades ont un contact immédiat avec les animaux domestiques de la famille et s’endorment très souvent dans la chaleur de la toison du mouton, de la chèvre ou même du yack. De manière encore plus intéressante, on trouve dans les récits mythologiques un étroit rapport d’existence entre l’homme et l’animal, où l’animal, un mouton, un yack, une panthère, un cheval, un tigre… est « juché » sur les épaules de l’humain et renforce sa force vitale. On associe en outre, comme dans beaucoup de sociétés traditionnelles, les qualités animales comme la force, la discrétion, la ruse, etc. aux humains, dans une perspective totémique.
Comme avec l’âne et le bœuf, nous sommes en présence de figures tutélaires très anciennes qui ont constamment soufflé sur les épaules des humains pour leur apporter chaleur et réconfort lors des nuits les plus froides et les plus noires. L’âne et le bœuf ont rassuré des générations de petits enfants, auxiliaires indispensables de la mère et du père pour continuer l’histoire de la vie.
N’oublions donc pas que l’âne et le bœuf, comme tous les autres animaux, sont bien plus que des êtres utilitaires. Nos nuits seront alors beaucoup moins froides et moins noires.
Joyeux Noël !
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