La vieillesse

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Écrit par Johanne Bernard

Johanne est scénariste pour le cinéma et la télévision, et auteure. Elle pratique la méditation bouddhiste et le Dzogchèn depuis plus de dix ans.

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Dans cet article “La vieillesse”, le troisième d’une série sur l’existence, Johanne parle de la vieillesse, du temps qui passe et du Dzogchèn.

La vieillesse, un collier de perles

Y a-t-il un moment précis où l’on commence à vieillir ?  Pourrait-on identifier un jour, une date, une heure, qui marquerait ce moment où on se dit, pour la première fois : « Ça y est. J’y suis. C’est la vieillesse! » ? Cette fois, peut-être, où, nous regardant dans le miroir, nous nous sommes demandé : mais qui est cette vieille personne que j’aperçois en face de moi ? Ce soir où, seul dans notre chambre, nous nous sommes aperçus qu’on ne pouvait plus se baisser pour défaire les lacets de nos chaussures ? Ou encore ce jour où, cherchant le nom d’une ancienne connaissance, nous avons réalisé que notre mémoire n’était plus aussi bonne qu’avant ?

Quand commençons-nous à vieillir ? Est-il possible de déterminer ce qui serait ‘le début de la vieillesse’ ?

Depuis l’instant de notre conception, nos cellules évoluent. Elles se multiplient, et se développent, d’abord. C’est ce qu’on appelle ‘grandir’. Elles s’altèrent, parfois, c’est ce qu’on appelle ‘maladie’. Et puis elles dégénèrent et meurent, c’est ‘la vieillesse’. Enfin, ça, c’est l’aspect biologique, car en réalité l’appréhension de la vieillesse est propre à chacun. Elle dépend de la perception que nous avons de notre corps et de ce qu’on attend de lui. Souvent, le sentiment de vieillir est associé à la perte, celle de notre pleine capacité, physique ou mentale. Il se pose en miroir inversé de la jeunesse, cette période où nous pensions être en pleine capacité de nos moyens… Mais ceci reste, là encore, quelque chose de très subjectif. Une étude génétique explique que notre métabolisme atteint le maximum de ses capacités à l’âge d’un an, et que le reste ne serait que stabilité puis déclin… Un an, le début de la vieillesse ? Dans une autre étude, un généticien de Harvard affirme, lui, que la vieillesse n’existe pas, qu’elle est une maladie dont on peut guérir…

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“Si nous mettions côte à côte toutes les photos que nous avons de nous depuis notre naissance, nous verrions que chaque image est à la fois ‘nous’ et quelqu’un d’autre… Nous sommes à la fois l’enfant d’hier et le vieillard de demain.”

 

La vieillesse et le Dzogchèn

Dans la tradition Dzogchèn, on dit que la dégénérescence commence dès la naissance, ou plus exactement que la naissance porte déjà en son sein la maladie, la vieillesse, la dégénérescence et la mort. Tout est présent depuis l’origine. Tout est présent à la base : dès que l’existence commence, dès la conception, tout est déjà là. La question n’est donc pas de savoir quand commence la vieillesse mais pourquoi l’idée de vieillesse et de dégénérescence peut nous faire peur ?

Si nous mettions côte à côte toutes les photos que nous avons de nous depuis notre naissance, nous verrions que chaque image est à la fois ‘nous’ et quelqu’un d’autre… Nous sommes à la fois l’enfant d’hier et le vieillard de demain. Nous ne sommes pas plus l’enfant d’hier, que le vieillard de demain… Toutes ces images, qui nous représentent à différents âges, nous semblent reliées entre elles par ce qu’on pense être une ‘continuité’. Mais cette ‘continuité’ est en réalité non-permanente. L’individu est lié à un soi. Or ce soi est sujet à variations, et a une fin, et c’est peut-être cela au fond, qui nous affecte.

Dans le Dzogchèn, on ne parle pas de ‘continuité’, d’expériences ininterrompues qui formeraient en quelque sorte l’existence, mais d’une multitude d’expériences, ayant toutes la même nature, celle de l’esprit, et ayant toutes la même base, la base primordiale de l’esprit… Une multitude d’expériences, d’expressions de soi, et de la réalité, comme autant de perles d’un chapelet dont le fil qui les porte est de même nature que les perles elles-mêmes : vide et lumineux.

Tout ce que nous croyons être existence ou continuité provient de notre esprit. Reconnaître la base primordiale de l’esprit dans tous les phénomènes, reconnaître que les perles sont de même nature que le fil qui les porte, c’est reconnaître que la dégénérescence, est, elle aussi, l’expression naturelle de l’esprit. La dégénérescence ne peut affecter l’esprit. C’est l’idée du soi qui est affectée.

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« Maintenant que vous en avez le loisir, observez l’essence de l’esprit – cela seul a du sens. », dit Machik Labdrön, une grande pratiquante tibétaine du 11-12ème siècle, dans sa dernière instruction à ses élèves avant de partir, à 99 ans.

« Quand vous avez perçu votre véritable nature, la vacuité et la réalité de cette expérience dévoilent votre mode d’être véritable : ce qui est connu comme “Bouddha”, et vous n’avez plus rien d’autre à chercher »,  écrit Ayu Khandro, une maître dzogchèn qui vécut jusqu’à 113 ans, au 19-20ème siècle au Tibet. (notes de conseils du cœur de la Dakini Lampe Glorieuse Indestructible). [1]

Observer l’essence de l’esprit, pour découvrir que la réalité du soi, et donc la vieillesse, est illusoire. Ne rien chercher d’autre, car une fois l’essence de l’esprit reconnue dans tous les phénomènes, il ne reste plus qu’à demeurer dans la détente…

Tels sont les conseils précieux que deux yoginis qui vécurent très âgées nous ont laissés. Tel est, peut-être, l’essentiel et le cœur de la pratique Dzogchèn … quel que soit notre âge !

[1] Vous trouverez une traduction de ce texte ICI.

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