Indiana Jones et le Chemin Invisible

Écrit par Paul Baffier
Blog | L'aventure Dzogchèn
Dans «Indiana Jones et le chemin invisible» Paul nous offre un article où l’on apprend qu’on peut voir le Dzogchèn dans un film populaire.
Série : Comment pratiquer le chemin du Dzogchèn ?
Indiana Jones et le Chemin Invisible
Qui n’a jamais rêvé (et chanté) sur le refrain de la musique mythique d’Indiana Jones…
De grottes souterraines inexplorées, de tombeaux obscurs et de pyramides hantées, de temples énigmatiques aux hiéroglyphes indéchiffrables, de galions engloutis aux trésors envoûtés…
Que l’on viendrait explorer, éclairer, comprendre et déchiffrer, découvrir, révéler…!
Mille aventures, autant d’occasions à mille exploits, en chemin vers… mais vers quoi, au fait ?
Si un seul de ces lieux sacrés pouvait nous révéler le trésor de tous les trésors — le trésor de l’esprit qui crée tous les désirs — alors cela vaudrait la peine du chemin.
Et bien, un épisode des aventures d’Indiana Jones exprime l’épitomé de cette quête.
Alors qu’il s’engage dans les profondeurs du sanctuaire taillé à même la roche, à la recherche du saint Graal, la coupe du charpentier Joseph d’Arimathie ayant recueilli le sang du Christ sur la croix, Indie doit affronter l’épreuve du saut de la foi (Leap of faith en VO):
“Son carnet d’instructions lui montre directement : le chevalier avance au-dessus du vide…”
Au débouché de l’étroit conduit qu’il arpente, un abîme prodigieux s’ouvre devant lui : tout y est noir, pas de tracé, le chemin qu’il suivait s’arrête ici. Au bord de cette falaise noire, nulle aspérité où s’accrocher, nul filin à tendre, pas de machine à faire s’envoler, pas de bois pour construire un pont. L’abîme est total et infranchissable par nature. Toutes les idées ordinaires, toutes les conventions s’y arrêtent : aucun outil ne peut être amené dans ce nombril du monde, dans cette matrice première qui a défié le temps ; et rares sont les humains qui y pénètrent.
Son carnet d’instructions lui montre directement : le chevalier avance au-dessus du vide, sans support ni instrument, seulement guidé par la lumière du Graal.
Indie, alors, doit enfin prendre son courage à deux mains et appliquer la seule instruction fondamentale parvenue jusque-là, la seule et unique pensée qui lui reste à l’esprit : le saut de la foi. Ce n’est pas tant la foi aveugle qui ne s’inquiète de rien et reste dans le flou. Indie voit le précipice, il est immense, il connaît les conséquences d’une chute.
Freeze. L’image s’arrête. Indie brise le quatrième mur et s’adresse à la caméra :
La “foi”, en effet, trop souvent ramenée au domaine religieux, vient de fides, en latin, qui signifie non seulement “confiance”, mais aussi “authenticité” : en somme, une fidélité à l’aspect le plus profond de soi, une intimité avec la part encore invisible qui gît en nous et que le saut de l’épreuve va pouvoir illuminer.
Et s’il y a un “saut”, c’est qu’il y a ce petit moment d’inconscience où tout est incertain, où plus aucun repère ordinaire n’est acquis ; ce moment où ce qui faisait la (fausse) tranquillité ordinaire de “la vie”, disparaît : ce moment, c’est, somme toute, la mort. La mort du soi pour révéler sa vaste, vaste, vaste – comme le gouffre sous les pieds d’Indie – nature absolue.
Le soi est en effet toujours provisoire puisqu’il ne peut passer la barrière de la mort. Et tout le jeu de toutes les traditions authentiques est de générer des épreuves où l’habile et courageux chevalier, empli de fides, aspirant à la lumière du Graal où boire la vie de l’Esprit au-delà du temps, découvrira que dans ce saut réside la conversion du chemin d’ignorance en chemin de clarté.
Slow motion. Indie cogite au ralenti.
Dès lors, ce qu’Indie comprend, c’est qu’appliquer l’instruction de la fides dans toute sa simplicité est la seule manière d’avancer. L’authentique fidélité à la nature de tous les phénomènes apparaissant à l’expérience est le seul chemin à arpenter, vide, sans autre support que l’éphémère transparence de leur fugace dynamique, complètement pure de toute désignation, inexistante de toute substance, spontanément accomplie, libre de toute technique ou de toute voie à emprunter.
Toutes les élaborations mentales, les atermoiements, les luttes ou les fuites, sont des ponts conceptuels qui s’effondrent comme des châteaux de cartes sous le poids de l’auto-illusion. Ils ne tiennent pas, et sont toujours déceptifs.
Seule la fides en la nature de ce qui est plus vaste que tous les espoirs et toutes les craintes à propos de la vie et de la mort déploie une dynamique spirituelle suffisante pour franchir le gouffre des vies et des morts — dont le Dzogchèn enseigne qu’elles sont en nombre infini.
Là où il n’y a plus de chemin, il suffit simplement de marcher dans le vide.
Simplement, parce que la simplicité est la présence à la base de la liberté ultime de toute marche, de toute démarche de libération. Toute marche sur un chemin de libération est donc vide de marche et libre à la base : simple.
Le film redémarre :
Aussi, comme d’autres chevaliers avant lui, Indie fait un pas au-dessus du vide.
Et ne tombe pas.
Voilà que le chemin invisible, qui n’est plus le chemin conceptuel, se révèle sous ses pas.
Arrivé à l’autre bout, Indie peut lancer du sable sur la voie tracée — pour les autres chevaliers, ceux qui suivront derrière lui, ceux qui pourront s’engager sur le chemin sans chemin.
Mais le vent de l’abîme souffle, qui sait si le sable va demeurer ?
Qui sait si la voie encore tracée ne retrouvera pas son invisibilité originelle ?
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