Le coup de balai de la nouvelle année
Écrit par Mila Khyentse
Blog | Culture et traditions
Dans « Le coup de balai de la nouvelle année », Mila Khyentse parle de la tradition de l’ancienne et de la nouvelle année au Tibet… d’un coup de balai.
Série : Nouvel an
Le coup de balai de la nouvelle année
Dans le monde tibétain, on ne commence jamais une nouvelle année sans en finir une. Logique me direz-vous. Essentiel à vivre, pourtant, pour la pensée traditionnelle.
La veille du nouvel an, soit le dernier jour de l’année qui s’achève, les familles tibétaines nettoient la maison de fond en comble pour accueillir la nouvelle année. Ce rituel très ancien permet de scander le temps et de passer à autre chose. Pendant cette journée de multiples coups de balai, nous avons tout le loisir de réfléchir à tout ce qui s’est passé lors de l’année qui vient de s’écouler. Nous pouvons ainsi, en séparant ce que nous avons aimé de ce que nous avons détesté ou de ce qui nous a laissé indifférent, arriver à la conclusion de cette année et laisser désormais la place à la nouvelle année.
« Alors, prenons notre balai pour accueillir la nouvelle année. »
On en profite également pour faire des kabsés, des beignets, et sortir le sho, le yaourt, deux éléments essentiels du festin du nouvel an, avec l’arak, l’alcool fort, bien entendu. Ce jour du balai est très important dans le rituel de vie d’une année. Comme tout rituel, cette date permet de scander, de structurer la vie des individus dans la communauté et de les relier à quelque chose dans laquelle ils peuvent s’inscrire : le temps et son cours. Une autre notion essentielle de ce coup de balai de la nouvelle année (on devrait d’ailleurs dire plutôt de l’ancienne année) est celle de « purification », très présente également dans le monde tibétain. En plus du nettoyage, on fait des offrandes de fumigation de bsang (prononcer « sangue »), des branches de genévrier que l’on brûle, en vue de purifier le karma accumulé de l’année passée et pour propitier le passage à l’année suivante. Cette notion de purification de l’ancien pour laisser place au nouveau est également très importante dans la pensée traditionnelle, que l’on retrouve d’ailleurs, dans beaucoup d’autres cultures. Purification et passé, propitiation et futur ont toujours scandé la pensée tibétaine, et la nôtre par la même occasion. Même si on l’a oublié aujourd’hui, on chasse toujours l’ancienne année et on se réjouit à l’arrivée de la nouvelle.
Ultimement, bien sûr, ce ne sont que des repères illusoires. La nature primordiale de la Grande Perfection n’est pas contenue (que) dans ces limites. Néanmoins, ces dates, ces gestes, ces principes et leur continuité dans le temps et les générations qui se succèdent, nous aident à nous inscrire dans un héritage, nous relier à des racines et à pouvoir les partager pour le monde autour de nous et pour les générations futures. Ces repères nous rappellent qu’il faut prendre soin de notre mémoire pour pouvoir la transmettre l’année suivante et toutes celles qui suivent. Ils nous rappellent également qu’il nous faut nous souvenir pour pouvoir prendre soin de notre futur.
Alors, prenons notre balai pour accueillir la nouvelle année.
ལོ་གསར་མ་བཀྲ་ཤིས་བདེ་ལེགས།
Très bonne Nouvelle Année !
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