Adapter le Dzogchèn
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Adapter pour Aujourd’hui et Demain
Préserver le Dzogchèn c’est aussi l’adapter. Sinon, comment peut-il toujours vivre et exister, que ce soit dans notre esprit ou dans nos gestes ?
Le second point crucial du projet Dzogchen Today! est l’adaptation des formes traditionnelles au monde d’aujourd’hui, et très certainement de demain.
De toutes manières, c’est une constante dans l’évolution historique de la Grande Perfection : elle a toujours pu évoluer au gré des périodes et des cultures grâce à ses pratiquantes et pratiquants qui l’ont adapté au fur et à mesure.
La grande flexibilité de la vision du Dzogchèn permet cette évolution constante : même si les paroles du premier détenteur de la tradition ont été couchées par écrit, chaque génération successive a su faire évoluer ces paroles pour les adapter le mieux possible à l’ère dans laquelle elles évoluaient.
Ainsi, parler d’adaptation pour le Dzogchèn est naturel, ce n’est qu’une simple constituante de ce qu’est cette tradition qui est en fait en constante évolution. La tradition des termas en est l’exemple le plus flagrant.
La question de l’adaptation du Dzogchèn à nos conditions de vie et à notre temps comprend cinq réponses.
La première, c’est l’adaptation des textes de la tradition dont il a été question dans l’article précédent, non seulement du point de vue de la traduction la plus adaptée à notre façon de penser aujourd’hui*, mais également de celui de l’exposition la plus claire possible de ce qu’est le Dzogchèn et de tout ce dont il parle.
La seconde, c’est l’adaptation de la pratique, de toutes les techniques proposées dans cette tradition pour réaliser la nature de la réalité et de notre esprit et ainsi pouvoir en gagner la maîtrise. Ici, la nécessité est d’adapter des pratiques souvent longues, jugées par beaucoup comme « exotiques » et difficilement accessibles pour des esprits occidentaux, à nos conditions de vie personnelles et générales en prenant également en compte le contexte actuel extrêmement changeant. Là aussi, la tradition du Dzogchèn possède une grande variété de pratiques que l’on peut adapter à nos besoins et qui peuvent s’intégrer assez facilement dans notre quotidien, très souvent surchargé de tout et n’importe quoi…
La troisième, c’est l’adaptation de l’enseignement. Là aussi, la façon d’enseigner doit s’adapter à la population qui reçoit les instructions de la Grande Perfection. Certes, nous sommes tous humains, mais il y a toujours une différence de compréhension et d’intégration culturelles qui doit évidemment être prise en compte. Qui plus est, l’attitude et les mœurs varient d’une société à une autre et il est nécessaire que l’enseignement puisse s’adapter à ces différences. Si les étudiants doivent faire l’effort d’intégrer l’enseignement, les enseignants doivent faire l’effort de l’adapter à leur auditoire. Il est donc évident que l’enseignement du Dzogchèn ne va pas être extériorisé de la même façon à New York en 2022 qu’à Samyé, au Tibet, au 8e siècle.
La quatrième, c’est l’adaptation nécessaire des formes traditionnelles du rituel qui ne correspondent plus vraiment à ce qui est perçu comme rituel à l’heure actuelle en Occident. Il est vrai que l’on note une perte du sens symbolique et actif du geste rituel – pour ne pas dire sacré – dans les sociétés contemporaines. Néanmoins, et cela rejoint le propos précédent, la forme rituelle est étroitement liée à une culture donnée et elle ne peut pas être transposée intégralement sans subir d’altérations car la population réceptrice a besoin d’une adaptation à sa propre façon de faire. Le geste, comme celui de l’offrande par exemple, même s’il reste potentiellement sacré dans toutes les cultures, n’a pas forcément la même portée. L’exemple du bouddhisme tibétain est frappant : les Tibétains donnent une importance considérable au geste et au temps rituels – comme les Indiens d’ailleurs – tandis que les Français, par exemple, accordent au geste une importance bien moindre. Ils vont donc avoir plus de mal à intégrer le rituel, surtout si celui-ci est complexe. Bien entendu, comme dans toutes règles, il y a des exceptions.
La cinquième et dernière, c’est l’adaptation à la transformation rapide de nos conditions de vie. Ici, ce n’est pas tant faire évoluer le Dzogchèn vers nos conditions de vie, que d’utiliser les ressources de la Grande Perfection pour nous aider à nous adapter aux bouleversements rapides actuels et à venir. Cela nécessite également d’adapter et de faire évoluer rapidement les ressources de cette tradition pour qu’elles puissent être des solutions évolutives à même de pouvoir « suivre le rythme » du changement constant en cours.
L’adaptation est ainsi au cœur de la réflexion et de l’action mises en œuvre au sein du projet Dzogchen Today! S’il est nécessaire de préserver pour adapter, il est tout aussi nécessaire d’adapter pour transmettre et partager.
L’effort ne fait que commencer…
* À ce sujet, lisez l’excellent article de Grégoire : La Traduction comme Adaptation. Retour
Écrit par Mila Khyentse
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