Solastalgie et Dzogchèn

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Écrit par Mila Khyentse

Mila Khyentse est un enseignant français du Dzogchèn et du Bouddhisme tibétain et l'initiateur du projet Dzogchen Today!

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Dans cet article, Solastalgie et Dzogchèn, Mila Khyentse aborde la question fondamentale de l’impact du changement global sur nos vies et la perspective Dzogchèn.

Solastalgie et Dzogchèn

« C’est étrange, depuis quelques temps, je ne me sens jamais vraiment bien. J’ai une sorte d’insouciance qui s’en est allée et qui ne reviendra plus. Et une sorte de malaise permanent qui s’est installé à la place. C’est ce que je constate en tout cas. » Voilà comment un jeune adulte avec qui j’avais une discussion il n’y a pas très longtemps me décrivait son état. Il n’est pas le seul, loin de là…

Beaucoup de personnes de tous âges et majoritairement dans la tranche des 16-25 ans [1] déclarent vivre une inquiétude permanente par rapport à leur futur et au futur de leur milieu de vie. Certains sont entrés dans le cycle de l’anxiété permanente et une minorité d’entre eux subissent un impact très important sur leur mode de vie, les empêchant de se rendre au travail, à l’école ou même de sortir dans la rue.

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« Il est dit que l’action claire est l’antidote à l’anxiété confuse.

On s’y met ? »

 

Cette détresse psychologique qui grandit de plus en plus dans la population mondiale – encore très peu documentée [2] – est l’expression de notre situation actuelle et à venir. Un nombre toujours plus important de personnes se rend compte qu’elles ne peuvent plus fuir, nier ou se battre [3] contre l’évidence : nous perdons petit à petit nos conditions de vie « habituelles » et « acceptables » pour rentrer dans une réalité bien plus difficile à vivre au quotidien [4]. Et ce simple constat est fondamentalement anxiogène car cela veut dire que le futur qui se profile semble être assez sombre pour nous toutes et tous.

Pourtant, à bien y regarder, c’est un rappel de notre condition humaine : comprise entre un passé révolu qui ne se reproduira jamais, et un futur incertain que l’on pense toujours pouvoir maîtriser en se leurrant fondamentalement.

Pour celles et ceux inscrits dans un chemin de transformation et de réalisation comme le Dzogchèn, c’est loin d’être une nouveauté… Tous les enseignements nous parlent de notre condition transitoire en tant qu’êtres sensibles : c’est en fait cette temporalité éphémère qui nous définit intrinsèquement et à laquelle nous ne pouvons pas échapper.

Ainsi, l’état de deuil permanent que beaucoup d’entre nous expérimentent aujourd’hui est en fait le rappel de notre nature éphémère conditionnée par notre naissance et notre mort.

Et donc ? Sommes-nous condamnés à demeurer perpétuellement dans un état d’anxiété profonde en attendant notre propre disparition et/ou celle de notre planète ?

Non, car cette prise de conscience, nous disent encore les enseignements de la Grande Perfection, est justement ce qu’il nous faut pour sortir de notre apathie, de notre fuite perpétuelle, de notre combat sans fin contre notre propre peur de la finitude. C’est par cette réalisation notamment que nous pouvons alors découvrir que nous sommes bien plus que cela, que notre nature véritable est au-delà de tout ce que nous pouvons penser ou échafauder à son propos et qu’elle transcende en fait la naissance et la mort.

C’est grâce à notre nature éphémère et illusoire que nous pouvons rencontrer, reconnaître et actualiser notre véritable nature.

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Pourtant, avant de la reconnaître, il nous faut « dessoûler », ne plus nous bercer d’illusions sur notre état et celui du monde et envisager de nous réveiller. Cela entraîne généralement (mais pas toujours) un état de déprime, d’anxiété ou une dépression car la réalité est toujours moins rose que celle dont nous rêvons. C’est en quelque sorte un passage pour nous permettre de revenir à la réalité sans nier son véritable aspect.

Se réveiller, sortir du rêve ou du cauchemar dans lequel nous croyons être, est le premier pas que nous devons faire sur le chemin de la découverte de soi et de la réalité du monde.

La Grande Perfection nous dit que cela se passe toujours dans l’instant, au-delà d’un passé et d’un futur illusoires : ici et maintenant ! C’est également ici et maintenant que nous pouvons retrouver la voie de la clarté pour nous permettre d’agir pour soi, pour les êtres et pour cette planète qui ne forment qu’un tout.

Les enseignements de la Grande Perfection sont également très clairs sur un point : si nous ne nous mettons pas en chemin, nous ne pouvons aider les autres à le faire. L’état de dépression ne dure finalement pas car l’acceptation arrive à un moment ou à un autre. Accepter, c’est apaiser ses douleurs et celles des autres, ce qui nous permet de sortir de la confusion. La douleur du deuil fait toujours place à la reconstruction et cette dernière est celle dont nous avons grandement besoin à l’heure actuelle.

Il est dit que l’action claire est l’antidote à l’anxiété confuse.

On s’y met ?

[1] Selon l’étude de référence effectuée en 2021 sur 10000 personnes de 16 à 25 ans interrogées dans 10 pays différents, 84% se disent inquiètes de l’état de l’environnement global et 59% très inquiètes. retour  

[2] Le concept et le terme de solastalgie n’apparaissent qu’en 2003 et la plupart des études faites sur le sujet ne commencent pour la plupart qu’après 2010. Les études d’ampleur sont celles citées dans l’article. retour  

[3] Les réactions habituelles face au changement : l’effet « fight or flight ». Pour la Grande Perfection, c’est l’expression de nos trois tendances majeures habituelles : ignorance, colère-aversion, désir-attachement. retour  

[4] Le 6ème rapport du GIEC est éloquent à ce sujet : https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/20250_4pages-GIEC-2.pdf  retour

Ce thème est largement développé dans les événements publics de Dzogchen Today! cette année. Pour plus d’informations : https://dzogchentoday.org/fr/evenements/

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