Marée haute, marée basse

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Écrit par Johanne Bernard

Johanne est scénariste pour le cinéma et la télévision, et auteure. Elle pratique la méditation bouddhiste et le Dzogchèn depuis plus de dix ans.

Blog | Esprit et Dzogchèn | Réflexions sur la vie

Dans “Marée haute, marée basse”, Johanne parle des mouvements de l’esprit, en observant le cycle naturel de la marée.

Série : L’été de l’océan

 

Marée haute, marée basse

 

Amenée par une vague, une bouteille en plastique, élimée par son voyage de l’autre bout du monde, s’échoue sur le sable. A l’entrée de la plage, une pancarte interdit la baignade pour cause d’algues vertes. Dans le ciel, des avions passent sans cesse, laissant leurs traînées blanches comme des marbrures zébrées. La température grimpe.

Au loin, un orage gronde sans jamais éclater. Une brume tropicale envahit l’espace comme un écran de fumée. Les abeilles ont quitté les fleurs du bord de mer. Au fond de l’océan, les coraux perdent leurs couleurs. La température grimpe.

 

 “Marée montante, marée descendante… C’est le cycle naturel, immuable émergence et dissolution, mû par la force du soleil et de la lune, astres de sa dynamique. 

La belle maison de famille avec vue sur la mer garde les volets clos : submergée par la montée des eaux, ses habitants l’ont quittée depuis longtemps déjà. Sur la plage, une vague détruit le château de sable d’un petit enfant qui découvre l’impermanence de toutes choses et se met à pleurer. Ses parents, paniqués, agitent aussitôt un jouet devant lui pour faire diversion. La température grimpe.

Ça tangue… et pourtant nous ne sommes pas sur un bateau, mais bien là, pieds nus sur la plage, debout devant cette pancarte interdisant la baignade, avec l’océan dont la ligne d’horizon a disparu sous sa brume de chaleur. Notre cœur se serre alors que nous devrions fêter l’été et sous nos pieds le sol se dérobe. Tout se bouscule et nous voilà emportés…

dzogchentoday-Marée haute, marée basse

Tête en bas, et pieds en l’air… Ça tangue. Et pourtant, la plage, sous nos pieds, n’a pas bougé et le ciel, au-dessus de nous, nous regarde, immobile. Alors que nous nous débattons dans le grand huit où sensations, pensées et émotions s’entremêlent, l’océan, lui, poursuit son cycle. Marée montante, marée descendante… C’est le cycle naturel, immuable émergence et dissolution, mû par la force du soleil et de la lune, astres de sa dynamique. Car oui, pendant un instant, nous l’avons oublié : le mouvement est un cycle naturel. Et si les mouvements du monde et les mouvements de nos sensations, pensées et émotions se confondent, c’est qu’ils sont de même essence et de même nature. Les uns sont les reflets des autres, eux-mêmes jaillissement de la base primordiale, cycle naturel de l’esprit.

Si tout est mouvement, alors comment ne plus tanguer ? Revenir à la base primordiale, nous dit la tradition, reconnaître dans chaque mouvement externe, l’expression dynamique de notre esprit, son pouvoir de manifestation (rtsal), telle la force de la lune et du soleil qui rythment les marées. Observer le cœur calme de la vague. Reconnaître que les agitations à la surface*,* ne sont que la forme des phénomènes **de notre expérience, le rayonnement de la dynamique interne illusoire de notre esprit (rol). Marée montante, marée descendante, marée haute, marée basse, marée motrice sous la force des astres de la compassion…

 

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L’eau se retire peu à peu. Dans la fraîcheur humide du sable mouillé, un crabe vient pincer notre orteil et déclenche en nous un petit rire de surprise. A la place du château de sable, une multitude de coquillages se dévoilent sous les yeux du jeune enfant. Une coquille de nacre reflète un éclat de lumière dissipant toute pensée, toute sensation, toute émotion. L’océan intérieur se calme. Le ciel se dégage. Pieds campés, esprit clair, dans la dynamique vide de la nature primordiale (gdangs).

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