L’importance du quotidien

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Écrit par Maréva Bernard

Maréva est manager de projet et coach. Elle est impliquée pour La Sauveté depuis 2012 et présidente de l'association La Galave depuis 2016. Elle pratique le Dzogchèn depuis 2011.

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Dans « L’importance du quotidien », Maréva nous partage l’importance du quotidien sur le chemin du Dzogchèn.

 

(2) Série : Où pratiquer le chemin du Dzogchèn ?

 

L’importance du quotidien

 

Arpenter le chemin du Dzogchèn qu’est-ce que cela veut dire pour nous au quotidien : quand il s’agit d’aller au bureau ? de prendre un verre avec des amis ? de partager une réunion de famille ? Pratiquons-nous le Dzogchèn lorsque nous sommes devant une devant une série Netflix ?

Nous recevons des enseignements, appliquons des instructions sur la nature de notre esprit, faisons des retraites, mais suivre un chemin spirituel, c’est aussi l’histoire du quotidien.

Quand il présente l’intégration des “Trois Vajras”[1] , Mila Khyentse Rinpoché nous rappelle :

“Quelle que soit l’activité, c’est celle du rappel de l’état,

quelle que soit la position du corps c’est celle du rappel de la pratique,

quelle que soit la parole émise, c’est celle du rappel de la nature,

quelle que soit la pensée émise, c’est celle du rappel de l’essence.”

Faut-il alors comprendre que : aller au bureau, c’est le rappel de l’état ; s’affaler sur le canapé, c’est le rappel de la pratique ; partager sa dernière anecdote de voyage, c’est le rappel de la nature ; se dire que ce repas est définitivement trop long, c’est le rappel de l’essence ?

Cela semble extrêmement théorique au début. Les instructions sont claires mais l’on se rend compte que l’on ne comprend pas exactement de quoi il est question.

 

“Quelle que soit l’activité, c’est celle du rappel de l’état,
quelle que soit la position du corps c’est celle du rappel de la pratique,
quelle que soit la parole émise, c’est celle du rappel de la nature,
quelle que soit la pensée émise, c’est celle du rappel de l’essence.” (Mila Khyentse Rinpoché)

 

On sait décrire précisément les actions qui consistent à aller au bureau mais beaucoup moins parler de l’état. On connaît parfaitement les sensations de notre fessier sur le moelleux du canapé, mais cela nous semble à des années lumière de la posture vajra. Cette succession de mots qui sortent de notre bouche ne déclenche pas vraiment la même expérience que celle de la récitation du A primordial. Et si l’on a envie de quitter la table, on se demande si l’on est encore dans la compassion.

Le Dzogchèn ne fait pourtant pas de différence entre tout cela.

C’est là où se situe l’importance de l’entraînement, là où l’alternance entre retraite et quotidien dont Johanne nous parle dans “Un bosquet paisible parsemé de fleurs” prend tout son sens, où le triptyque vue, méditation et intégration que Damien développe dans “Où est le terrain d’entraînement ?” nous est très utile.

Parce qu’au début, nous ne savons pas exactement quoi rappeler.

Alors, après avoir reçu les instructions du Maître, nous nous familiarisons dans la pratique formelle. Nous ne reconnaissons pas encore la nature dans le quotidien mais pouvons déjà nous entraîner à la vigilance. Vigilance d’une pratique quotidienne pour maintenir le lien aux instructions sur la nature, mais vigilance également de ne pas croire dur comme fer à tout ce qui se présente, de lever le regard quand tout s’est resserré, de se rappeler qu’au dernier enseignement, on nous a dit que tous les phénomènes étaient la manifestation de la nature de l’esprit.

Cela se passe dans ce déjeuner de famille sur la terrasse, quand nous levons les yeux vers les nuages qui passent dans le ciel, ou en allant au bureau, quand le soleil se reflète sur la flaque d’eau que nous avons évitée sur le chemin. 

@dzogchentoday-L’importance du Quotidien

Puis, au fur et à mesure des expériences, le voile se soulève. Nous nous faisons une première idée, pas forcément réelle, et continuons à nous entraîner à la vigilance.

Les émotions perturbatrices se sont apaisées, alors quand la joie ou la colère se présentent, nous avons la vigilance de les reconnaître pour ce qu’elles sont. Au lieu de nous entraîner vers la saisie, elles nous rappellent à la vue : leur nature est clarté-luminosité.

Au moment où la tension monte car la musique du film s’intensifie, nous reconnaissons la sensation et la détente s’élève à la place de l’habituelle crispation. Quand notre meilleur ami nous annonce que son grand-père est mort, l’impermanence se rappelle à nous et notre détermination à la vigilance se renforce. Pas de temps à perdre.

Puis le voile se soulève encore un peu plus. Nous nous éloignons de l’idée conceptuelle de ce qui est rappelé, et continuons à nous entraîner à la vigilance.

Par l’entraînement, les expériences de félicité, clarté et absence de pensée commencent à apparaître. Elles ne sont pas cantonnées à la pratique assise et aux temps de retraite. Elles se présentent sans distinction. Elles se cultivent sans discrimination.

Nous apprenons à les reconnaître dans le quotidien, quand nous frottons vigoureusement les parois de la douche et que seule la plénitude est présente, quand la nuit a été courte mais que l’esprit est resté clair, quand en marchant dans le bruit de la ville, tout à coup, le brouhaha de nos pensées s’estompe.

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Puis le voile se soulève enfin totalement. On ne se leurre plus sur la nature des expériences et des phénomènes, et la présence a remplacé la vigilance.

Comme des étincelles de lumière, on reconnaît la nature dans le tintement d’un verre, dans un éclat de rire, dans le crissement d’un pneu, dans le mouvement des nuages, dans la douceur du sucre, dans l’acidité du citron, dans une colère ou dans une joie. Ce que l’on a reconnu au moment de l’introduction est reconnu dans ce qui nous a toujours semblé si ordinaire. Et ces étincelles se succèdent de manière de plus en plus rapprochée, jusqu’à nous baigner continuellement d’une lumière claire.

Ainsi, par l’entraînement du quotidien et la bénédiction du Maître, les instructions prennent sens et nos questions qui commençaient par “mais concrètement ?” se sont taries.

Parce que les maîtres montrent que cela est possible et parce que nous nous inscrivons dans leur lignée, nous maintenons nos efforts avec confiance, de plus en plus naturellement, jusqu’à ce que tout devienne sans effort.

Le quotidien est précieux, car il n’est pas différent de la nature, il est sa manifestation même.

 

[1] Une des pratiques principales du Dzogchèn où l’on reconnaît et l’on actualise naturellement que les activités ordinaires du corps, de la parole et de l’esprit sont en fait la manifestation parfaitement pure de l’esprit pur et parfait. Ce sont les Trois Vajras.  RETOUR

 

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