L’histoire des premiers maîtres : Garab Dorjé

Écrit par Nils Derboule
Dzogchèn Histoire
« L’histoire des premiers maîtres : Garab Dorjé» est le premier article d’une nouvelle catégorie sur les maîtres de la lignée du Dzogchèn.
Série : La lignée
Garab Dorjé
Garab Dorjé (tib. Dga’ rab rdo rje), Prahévajra en sanskrit (ou encore : Pramodavajra ou Surativajra), « Diamant de joie » en français, est le premier maître humain dans la tradition du Dzogchèn Nyingmapa.
Dater sa naissance est complexe : peu de sources historiques et plusieurs traditions orales. Disons qu’à +/-600 ans près, Diamant de Joie voit le jour au Ier siècle de notre ère, dans le pays d’Oḍḍiyāna, dans le nord-ouest de l’actuel Pakistan.
Sa naissance est entourées d’histoires diverses et variées. L’une d’elles raconte que moins d’un an auparavant, une des filles du roi, alors nonne, fait un rêve auspicieux : un homme blanc place trois fois sur sa tête un vase de cristal orné des symboles des cinq bouddhas primordiaux, après quoi elle a une vision des trois sphères d’existence [1].
Neuf mois plus tard, la jeune fille donne naissance à un garçon extraordinairement beau. Effrayée et honteuse – est-ce un démon qui lui est ainsi né sans père ? – elle jette l’enfant dans un fossé plein de cendres et repart à ses occupations.
Trois jours se passent. Quelque peu tourmentée, elle retourne là où elle a laissé l’enfant pour découvrir le nouveau-né en pleine forme, gazouillant comme si de rien n’était. Alors convaincue que c’est une manifestation éveillée, la jeune femme lui donne un bain, l’enveloppe d’un grand foulard de soie et s’occupe de lui.
Enfant, Garab Dorjé a une vision de sa propre nature primordiale sous la forme de Vajrasattva. Celui-ci lui confère directement d’esprit à esprit les six millions quatre cent mille versets du Dzogchèn. Le jeune garçon réalise alors l’état de la Grande Perfection.
A sept ans, le garçonnet, d’un tempérament toujours joyeux, fait preuve d’une grande maturité d’esprit. Porté par son désir de partager sa réalisation, il insiste auprès de son grand-père (le roi) pour débattre de la nature de la réalité avec des érudits.
Le mot est passé. Sept éminents philosophes bouddhistes font le trajet depuis Bodhgaya, menés par Manjushrimitra. Ce dernier est prêt à en découdre car il est parvenu à ses oreilles qu’un enfant d’Oḍḍiyāna prodiguerait des enseignements au-delà de la loi des causes et des effets, ce fameux karma qui régit la vie et la pensée de la tradition védique et bouddhique.
Le débat a lieu ; Manjushrimitra est battu et, comme le veut la tradition, devient le disciple de Prahévajra. Demeurant alors auprès de lui, l’érudit reçoit au fil des années tous les enseignements du Dzogchèn de celui-ci par symboles – la transmission des Seigneurs de l’évidence primordiale.
Après avoir passé toute sa vie à enseigner aux êtres humains et aux Dakinis [2] des charniers, le temps vient pour Diamant de Joie de partir. A la fin d’un enseignement, son corps s’élève dans le ciel et disparait progressivement dans une masse de lumière.
Manjushrimitra en a le coeur déchiré : il supplie son maître de ne pas les abandonner, lui et tous les êtres.
Alors, de la masse de lumière une main jaillit et dépose dans les paumes du disciple un petit coffret d’or. En l’ouvrant celui-ci y découvre le testament de Garab Dorjé, les trois aphorismes qui frappent les points cruciaux [3] :
Rencontre dans l’instant ta nature essentielle.
Sois définitivement sûr de ce point unique.
Demeure directement assuré de la libération.
Au même instant Manjushrimitra atteint la réalisation égale à celle de son maître.
La tradition nous dit que Prahévajra a atteint la réalisation du corps de lumière, qui se manifeste pour tous les êtres en fonction de leurs besoins. Nous pouvons donc toutes et tous, aujourd’hui encore, le rencontrer en personne… si nous sommes assez fortunés et que nous avons une profonde aspiration sans faille !
[1] Les trois sphères d’existence sont les trois “lieux” possibles de renaissance des êtres sensibles : la sphère du désir, la sphère de la forme et la sphère du sans-forme. RETOUR
[2] En tibétain : Khandro, littéralement : celles qui vont dans le ciel. Ici, classe d’êtres féminins, qui ont accès à la fois aux mondes des humains et à celui des dieux. RETOUR
[3] Traduction Comité Dzogchen Today! RETOUR
Sources :
- Master of meditation and miracles, Tulku Thondup, ed. Shambahala, 1999
- L’avénement de la grand perfection naturelle, Nyoshul Khenpo Jamyang Dorjé, ed. Padmakara, 2016
- The Supreme Source, Chögyal Namkhai Norbu & Adriano Clemente, Snow Lion, 1999
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