Le Toy Train

Des plaines jusqu’au sommet de la Grande Perfection

 

 

Écrit par Mila Khyentse

Mila Khyentse est un enseignant français du Dzogchèn et du Bouddhisme tibétain et l'initiateur du projet Dzogchen Today!

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Dans cet article, Mila Khyentse fait un parallèle ferroviaire entre la montée à Darjeeling avec le petit train et la voie du Dzogchèn.

Darjeeling, le Toy Train et le Dzogchèn

Si vous êtes allés dans les contreforts de l’Himalaya dans la région de Darjeeling, vous connaissez très certainement l’une des attractions phares du coin avec les collines de plantation de thé et les « orchid nurseries » (les serres d’orchidées) : celle du « Toy Train ».
Peut-être, d’ailleurs, l’avez-vous déjà pris et avez-vous fait le trajet entier de 82km de Siliguri dans la plaine à Darjeeling, à 2045m d’altitude, en un peu plus de… 8 heures ! Ce qu’on appelle le “Long Ride”. Si c’est le cas, vous avez très certainement pu faire tout un tas de choses à bord du train ou dans les gares traversées : admirer le paysage en faisant des photos, échanger avec les passagers, partager votre repas, prendre un verre de masala chai tendu pour vous par la fenêtre par un vendeur sur les quais ou même en marche (c’est dire la vitesse du train par endroit !), lire, dormir, relire, redormir, même vous dégourdir les jambes, et surtout penser. Vers la fin du trajet (environ les deux dernières heures), vous devenez philosophe (vous avez eu le temps de vieillir beaucoup en 6 heures de trajet) et vous ne pouvez vous empêcher de faire le parallèle entre votre parcours ferroviaire et le chemin du Dzogchèn.

C’est également une autre façon d’aborder le chemin dans le Dzogchèn : la « formule express » qui est donc, comme son nom le suggère, beaucoup plus rapide, mais également beaucoup plus mouvementée (…)

Les Tournants du Dzogchèn

La vie dans le Dzogchèn, c’est comme ça : on mange, on parle, on boit, on marche, et on pense même…, tout en restant concentrés sur la nature de notre esprit. Nous sommes embarqués dans le petit train de la vie et la pratique du Dzogchèn est également montée à bord : elle nous accompagne n’importe où. Ce n’est pas tout. Le Dzogchèn, c’est sans arrêt des allers et retours entre un état libre, spacieux, lumineux, notre véritable nature, et des retours en arrière, vers notre état ordinaire, duel, compliqué, fatigant et fatigué, d’êtres humains traversés sans arrêt par les émotions, la douleur, la souffrance.

 

Le Toy Train, c’est la même chose : pour accéder aux nuées et au paradis de la station d’altitude britannique, il a besoin de passer par des « loops », des courbes et des tournants successifs en forme de 8, qui le ramènent en arrière et le propulsent en avant, lui faisant gagner de la vitesse pour gravir la pente. Le chemin du Dzogchèn est une longue succession de boucles nous montrant tous les recoins de notre esprit, nos habitudes les plus ancrées comme les plus légères, nos pensées les plus nobles comme les plus ordinaires. Au bout d’un certain temps de pratique, l’équivalent des 6 heures de trajet du Toy Train, tous ces mouvements et ces boucles successives s’apaisent finalement car nous réalisons définitivement que ce que nous vivons est un rêve, sans boucle ni mouvement, et, comme tous les rêves, c’est fondamentalement illusoire. À ce moment-là, nous pouvons finir le trajet totalement concentrés sur la nature primordiale de notre esprit : c’est comme si nous étions déjà arrivés à Darjeeling… mais il reste encore deux heures de trajet.

« Long Ride” ou “Joy Ride » ?

Pour les plus pressés d’entre nous, il y a la formule « Joy Ride » qui court de Darjeeling à Ghoom, via Kurseong et la fameuse Batasia Loop, puis retour à Darjeeling, en un peu plus de 2 heures. C’est également une autre façon d’aborder le chemin dans le Dzogchèn : la « formule express » qui est donc, comme son nom le suggère, beaucoup plus rapide, mais également beaucoup plus mouvementée (d’où le « Joy Ride » qui fait quand même penser à un rodéo sur rails…). On dit dans la tradition qu’elle est généralement l’apanage d’êtres qui ont effectué un entraînement profond « auparavant » (ce qui peut remonter à beaucoup plus loin que ce que nous pourrions imaginer). On les appelle, comme dans la tradition bouddhiste, les Bodhisattva : des êtres dont l’unique but est d’atteindre la libération ultime de toute souffrance pour que tous tous les êtres puissent également y arriver en suivant leur exemple. C’est pour cela qu’ils sont volontiers qualifiés « d’êtres d’éveil ».

Ce parcours est plus mouvementé, car le Toy Train doit passer par une succession plus rapide des fameuses loops, et il ne s’arrête qu’à une gare, Kurseong, avant d’atteindre Ghoom. Autant dire que tout va beaucoup plus vite : moins de temps pour échanger, admirer, manger, dormir ou boire, et peut-être même pas le temps de se dégourdir les jambes. Nous sommes désormais concentrés sur le but ultime.

Dans la formule express du chemin Dzogchèn, il n’y a pas le loisir ni le temps de louvoyer : atteindre la nature ultime est l’essence même de notre volonté et tous nos efforts sont tournés vers cela. Les épreuves à traverser sont en conséquence, mais nous sommes généralement prêts.

Si l’on devait résumer, d’un côté : plus long, mais plus « confortable » et de l’autre, plus court, mais plus « périlleux ». Et vous, qu’allez-vous prendre comme voie dans cette existence ? Le « Long Ride » ou le « Joy Ride » ? Ce n’est peut-être pas un choix…

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