La lignée de transmission
Écrit par Mila Khyentse
Blog | Dzogchèn Introduction générale | Les bases du Dzogchèn
Dans cet article “La lignée de transmission”, Mila Khyentse parle d’un des fondements de la Grande Perfection : la lignée d’enseignement.
La lignée de transmission,
Le mala de cristal du Dzogchèn.
Une des notions les plus fondamentales du Dzogchèn est celle de lignée, brgyud (prononcer gyü) en tibétain.
Qu’est-ce qu’une lignée ?
Tout d’abord, c’est ce qui permet de nous relier le plus directement possible à notre propre nature primordiale, fondamentale, ce que nous sommes réellement au-delà de toutes les apparences. La lignée nous relie à notre nature car elle est composée d’individus, femmes et hommes, qui, grâce à l’enseignement qu’ils ont reçu, ont pleinement actualisé et réalisé ce potentiel en eux. Ils ont réussi à faire cela, notamment, grâce à leurs maîtres (bla ma en tibétain), femmes et hommes, qui avaient réalisé cela avant eux, jusqu’à remonter en ligne directe jusqu’au détenteur originel de ce savoir fondamental : Garab Dorjé dans le monde nyingmapa et Shenrab Miwo dans le monde bönpo. Ces derniers ont, les premiers, réalisé le plein potentiel de leur nature primordiale et ont réussi à transmettre de manière totalement vivante la façon d’atteindre cette réalisation à leurs élèves. Ce que véhicule donc fondamentalement la lignée dans le Dzogchèn est la transmission infaillible de la réalisation de la nature primordiale.
« Ainsi, la lignée est au service des générations futures. Elle est toujours tournée vers celles et ceux qui viennent après nous, et c’est la responsabilité des détenteurs de lignées, femmes et hommes responsables du maintien vivant de la transmission des enseignements de la Grande Perfection, de la préserver ».
Ensuite, le principe de la lignée se réfère à l’apprentissage. Dans un monde de plus en plus dématérialisé ou nous apprenons de plus en plus sans bouger, la notion de transmission a tendance à devenir abstraite. Elle était pourtant encore cruciale il n’y a pas si longtemps en Occident également. Ce qui nous est transmis de manière tangible par la lignée, c’est-à-dire l’apprentissage par l’expérience, est l’efficience du geste, du corps et de la concentration. Notre enseignant nous montre (très patiemment !) par son propre exemple comment faire les choses pour que nous puissions intégrer ce principe pour nous-mêmes. Il ne s’agit pas de la ou le copier ici, mais d’intégrer la connaissance qui nous est transmise de la manière la plus adaptée à notre façon d’être et de faire, jusqu’à la réaliser dans son intégralité.
Lignée veut enfin dire préservation, perpétuation pour les générations futures. Avec la question cruciale du monde que nous allons léguer à nos enfants, se pose également la question du type de connaissances que nous allons leur donner. Allons-nous leur transmettre uniquement notre savoir préoccupé par des questions mondaines comme bien réussir dans la vie, ou également la sagesse des anciens qui possédaient une connaissance plus intime de la nature du monde et donc de la nature primordiale que nous ? C’est toute la question de la lignée dans le Dzogchèn, car il est impossible qu’elle ne soit qu’à destination mondaine, c’est-à-dire visant uniquement améliorer nos conditions de vie. Elle véhicule également un sens « extra-mondain », au-delà de notre vue à court terme liée à cette seule existence comme le dit Damien dans son article sur la mort. Elle nous permet d’envisager la réalité de manière globale, transcendante et durable.
Ainsi, la lignée est au service des générations futures. Elle est toujours tournée vers celles et ceux qui viennent après nous, et c’est la responsabilité des détenteurs de lignées, femmes et hommes responsables du maintien vivant de la transmission des enseignements de la Grande Perfection, de la préserver. Si elle s’arrête, alors plus personne ne peut atteindre la réalisation de la Grande Perfection, la libération de toute souffrance et de toute illusion.
Dans la tradition nyingmapa du Dzogchèn, on parle de trois types généraux de lignées.
La première est appelée « la lignée de la présence éveillée des Victorieux » (rgyal ba dgongs brgyud en tibétain) qui est dite être la lignée primordiale, celle de la propre nature de Garab Dorjé qui s’est révélée à lui sous forme d’enseignements directs. On dit que c’est cet aspect de la lignée qui nous permet de faire l’expérience de l’introduction à notre propre nature primordiale.
La seconde est « la lignée du symbole des Seigneurs de l’Évidence Primordiale » (rig ‘dzin brda brgyud en tibétain), un bien beau nom qui est une traduction possible pour « la lignée des Vidyādhara », ceux qui possèdent la connaissance primordiale. La transmission, dans cet aspect spécifique, se fait par le « symbole » qui peut être un geste, un son, etc. et qui dévoile le sens profond de la nature primordiale de notre propre esprit.
La troisième, enfin, est appelée « la lignée orale des (Grands) Individus » (en tibétain gang zag snyan brgyud) qui se réfère à la lignée dite de la « bouche » : celle des maîtres humains que l’on fait remonter dans le monde tibétain à Padmasambhava, Vimalamitra et Vairotsana. La particularité de cet aspect de la lignée est qu’elle véhicule le sens primordial des autres sous la forme d’enseignements extensifs, élaborés, théoriques et pratiques. C’est un peu comme un parcours universitaire avec une progression graduelle vers la réalisation de notre propre nature.
Ces trois types de lignée ont perduré jusqu’à nos jours grâce aux efforts des générations passées. Ces lignées sont toujours vivantes, telles un mala (un rosaire) de pur cristal, et nous permettent maintenant d’avoir un accès à la libération de la souffrance et à la réalisation du corps d’arc-en-ciel « qui ne connaît pas la mort », comme le disait mon Maître.
À nous de faire les efforts nécessaires pour qu’elles ne s’arrêtent pas bientôt, tout comme notre terre de tourner…
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