La grande paix naturelle

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Écrit par Johanne Bernard

Johanne est scénariste pour le cinéma et la télévision, et auteure. Elle pratique la méditation bouddhiste et le Dzogchèn depuis plus de dix ans.

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Dans “La grande paix naturelle”, Johanne évoque le début d’un chemin, qui n’est ni un commencement ni un chemin…

Série « Le chemin spirituel dans le Dzogchèn »

Commencer le chemin du Dzogchèn

La grande paix naturelle 

Avant de s’engager dans un chemin, on aimerait savoir un peu de quoi il s’agit… La tradition nous dit que le chemin du Dzogchèn est un chemin de libération mais tant que nous ne l’avons pas vécu et expérimenté, il est difficile de l’appréhender. Difficile aussi de déterminer ce qu’est la Grande Perfection, qui par nature est totalement libre. Alors, par où commencer ?

Nous pourrions déjà dire que…

Le chemin du Dzogchèn n’est pas une voie qu’on emprunte et qui nous éloigne des autres voies, car il n’est pas exclusif. Le Dzogchèn est une manière de percevoir la réalité, directement.

Le chemin du Dzogchèn n’est pas une voie de renoncement. Il ne nous invite pas à ne plus éprouver de sensations, de pensées, d’émotions… Il nous invite à en percevoir leur nature réelle, dynamique de l’esprit.

Le chemin du Dzogchèn n’a pas besoin de conditions particulières. Il ne juge pas qu’une situation est bonne ou mauvaise. Il ne rejette rien, ni ne recherche rien. Il intègre tout.

Le chemin du Dzogchèn n’est pas un chemin intellectuel, même s’il est nécessaire d’étudier les textes. Il passe par l’expérience, qui nous permet de reconnaître notre véritable nature, l’état primordial, présent depuis l’origine.

Puisqu’il passe par l’expérience, le chemin du Dzogchèn n’est pas un chemin de croyance en quelque chose d’extérieur. Il nous invite à nous observer nous-même pour découvrir notre réelle condition. C’est un chemin de certitude.

““Où est le chemin du Dzogchèn ?”, nous demandons-nous, alors que celui-ci, tel une goutte de mercure, nous échappe dès que nous tentons de le saisir.”

Le chemin du Dzogchèn n’est pas un chemin qui démarre quelque part et qui finit quelque part. Il est dans l’instant, immédiat.

Immédiat, dans l’instant, sans début, ni fin, le chemin du Dzogchèn ne peut donc pas être ‘arpenté’… Connaissant son aspect illusoire, pourquoi cherche-t-on alors à le ‘commencer’ ?

Parce que, tout simplement, notre existence est déterminée par un début et une fin, une naissance et une mort, et que toute notre vie est conditionnée ainsi : un lever, un coucher ; une maladie, sa guérison ; un but, un résultat … En tant qu’être humain, nous ne pouvons concevoir de chemin sans imaginer un commencement et un aboutissement. Avant de réaliser l’absence réelle de chemin, nous avons besoin d’intégrer ce chemin dans la vision de ce que nous pensons être notre réalité, celle de notre existence.

Cela fausse-t-il l’idée du chemin du Dzogchèn ? Au début, oui. Mais, pour la Grande Perfection, cela n’a aucune importance. Car sur le chemin du Dzogchèn, à un moment donné, nous ne nous poserons plus la question du commencement ou du résultat car nous réaliserons qu’ils ont toujours été à la Base.

Qu’en est-il de la motivation ?  Eh bien, nous pourrions donner mille raisons, propres à chacune et chacun, de commencer le chemin du Dzogchèn… Mais il est fort probable qu’elles soient, au début, elles aussi, conditionnées par la détermination de notre existence, avec le souhait de mieux la vivre, de donner un sens à sa vie, ou même à sa mort… Est-ce alors le Dzogchèn ? Pas selon la tradition qui rappelle que la motivation primordiale est celle de la réalisation de la Grande Perfection pour le bien de tous les êtres et que son pendant est la dévotion, le lien fondamental à la nature primordiale (lien : un (faux) départ)… Nous pourrions souhaiter profondément arpenter le chemin du Dzogchèn pour le bien des êtres, sans jamais oublier le lien à la nature primordiale, mais si, derrière cette motivation, il y a le souhait d’en finir avec la souffrance, la sienne et celle des autres et que nous oublions que le maître est la source et le reflet de ce lien à la nature primordiale… Est-ce alors le Dzogchèn ? Pas selon la tradition… 

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“Comment commencer alors ?”, nous demandons-nous, alors que nous avons conscience que compassion et dévotion véritables ne seront vraiment trouvées qu’en chemin… “Où est le chemin du Dzogchèn ?”, nous demandons-nous, alors que celui-ci, tel une goutte de mercure, nous échappe dès que nous tentons de le saisir.

Dans un magnifique chant intitulé, ‘La grande paix naturelle’, issu du recueil de poèmes didactiques ‘Quelques lettres de préceptes à ses disciples’[1], voici ce que Nyoshul Khen Rinpoché, un grand maître Dzogchèn tibétain du XXème siècle, écrit à ses disciples :

Laissez reposer dans la grande paix naturelle cet esprit épuisé,

Battu sans relâche par le karma et les pensées névrotiques,

Semblables à la fureur implacable des vagues qui déferlent

Dans l’océan infini du samsâra.

Laissez reposer dans la grande paix naturelle.

Laisser reposer dans la grande paix naturelle…

Là, est le Dzogchèn.

A la fois commencement et fin, pour nous qui nous engageons sur le chemin.

Ni commencement, ni fin, pour l’esprit, libre de toute élaboration conceptuelle, dans la base de la pureté primordiale.

Dans les deux cas, Grande Perfection.

 

 

[1] Reférence : A Collection of Oral Instructions and Advice Given to Students o Students (mkhan po ‘jam dbyangs rdo rje’i gsung / zhal gdams slob springs kyi skor ‘ga’ shas),

https://www.rigpawiki.org/index.php?title=Nyoshul_Khen_Rinpoche

Traduction  Lotsawahouse.

https://www.lotsawahouse.org/fr/tibetan-masters/nyoshul-khenpo-jamyang-dorje/natural-great-peace

 

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