Action ou vérité ?
Ecrit par Johanne Bernard
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Dans cet article, “Action ou vérité ?”, Johanne nous parle de la difficulté de se mettre en action et de sa simplicité dans le Dzogchèn.
« Action ou vérité ? »
ou La simplicité de l’action
Certains d’entre-nous ont peut-être déjà joué au jeu « Action ou Vérité » quand ils étaient enfants ou jeunes adultes ? Le principe est simple : assis en groupe, chaque participant choisit à son tour ‘Action’ ou ‘Vérité’. S’il choisit ‘Action’, il doit exécuter ce qu’on lui demande, quoi que ce soit. S’il choisit ‘Vérité’, il doit répondre à la question qu’on lui pose, quelle qu’elle soit… Je me rappelle que seuls les plus téméraires choisissaient ‘Action’, prenant le risque de devoir se mettre tout nu devant tout le monde, embrasser sur la bouche son voisin ou sa voisine, ou se retrouver à faire quelque chose de vraiment ridicule. La majorité, elle, choisissait ‘Vérité’, se disant, qu’au fond, elle pourrait toujours s’arranger avec la vérité, justement, puisque de toute façon personne ne pourrait vérifier…
L’action engagerait-t-elle plus que la parole ? … Sur un plateau de tournage de films, quand le réalisateur crie « Action !! », c’est parti : il faut y aller, la caméra tourne, plus moyen de faire machine arrière… Dans la vie, c’est un peu pareil, l’action implique un aller direct sans négociation possible. Et c’est peut-être cela qui la caractérise : cette mise en branle de toute notre personne, corps et parole, dans un élan dynamique, immédiat et concret.
L’action… on y pense souvent, plus qu’on ne la fait. On aimerait bien se mettre en branle, d’ailleurs, porté par cet élan immédiat : sauter haut, droit devant, peu importe le vide sous nos pieds… On ne risque plus, à notre âge, de devoir embrasser sur la bouche notre voisin ou notre voisine, ou de se retrouver tout nu devant tout le monde… La seule chose qui peut nous arriver, c’est d’accomplir ce rêve qu’on a depuis l’enfance, d’agir pour cette cause qui nous tient tant à cœur ou de nous engager concrètement, enfin, pour ce qui nous semble le plus essentiel…
« Rien ne paraît plus difficile que de revenir à la simplicité. Elle est pourtant accessible à chacun puisque c’est la qualité de notre nature véritable. »
Qu’est-ce qui nous empêche d’agir alors ? Peut-être un monde devenu si complexe et si changeant qu’il est devenu impossible de se projeter. La peur, aussi, qui s’invite dans nos vies et dans notre quotidien, à tel point que nous avons l’impression d’avancer les yeux bandés, sur un fil bien instable… « Tous à l’abri, en attendant la catastrophe ! » a-t-on envie de crier au moment où il faudrait sauter !
Oui, il en faut de la force et du courage pour dépasser les peurs, pour s’extirper de ces informations de plus en plus nombreuses, parfois contradictoires, souvent anxiogènes… C’est pourtant dans l’action que la force se puise, que le courage se trouve, comme une sorte de dynamo au cercle vertueux. Mais alors, comment faire ? Par où commencer ? … Par revenir à la simplicité, peut-être ?
Dans nos vies qui vont à toute allure, dans la complexité du monde, revenir à la simplicité, c’est d’abord prendre un temps : 1 minute, 5 minutes, 10 minutes, pour faire une pause dans le foisonnement des commentaires, qu’ils viennent de l’extérieur ou de notre propre esprit… Un temps, pour regarder ces pensées et ces émotions qui nous agitent, nous empêchent d’agir, et que nous ne voyons même plus. Un temps, pour les laisser passer comme des nuages dans un ciel vide, pour les laisser se déposer comme le sable au fond d’une rivière…
Un temps qui, répété, va nous permettre de nous familiariser avec notre fonctionnement et de mieux nous connaître. Un temps, au cours duquel, nous découvrirons bientôt, avec étonnement, que la base de notre esprit est comme la clarté du ciel et comme la limpidité de l’eau : simplicité naturelle…
Ce n’est que le début mais c’est déjà beaucoup car c’est dans cet état que l’on peut entrevoir la possibilité de l’action. « Pas d’action juste sans clarté » nous dit la tradition. « Pas d’action claire dans la confusion des pensées et des émotions ». Pour la Grande Perfection, c’est même le cœur de la pratique, et l’essentiel : « Connaître le moyen de libérer les pensées est la suprême forme d’action. » écrit Yangthang Rinpoché, un maître Dzogchèn du XXeme siècle, dans ‘Courte présentation de la Vue, de la Méditation et de l’Action’.
Rien ne paraît plus difficile que de revenir à la simplicité. Elle est pourtant accessible à chacun puisque c’est la qualité de notre nature véritable. Dans la simplicité naturelle de l’esprit, l’action juste jaillit comme une évidence, et la peur de l’action laisse place à la joie radieuse de son déploiement… Y demeurant, il est alors enfin possible d’agir, pour soi et pour les êtres.
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