Pour Le Bien Commun

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Écrit par Nils Derboule

Nils Derboule est un ingénieur généraliste et chef de projet qui étudie et pratique le Dzogchèn depuis plusieurs années tout en restant dans l'activité.

Blog | Dzogchèn Pratique | Les bases du Dzogchèn

Dans cet article, Nils présente présente une vision du bien commun dans la perspective du chemin Dzogchèn.

 Série : Comment pratiquer le chemin du Dzogchèn ?

 

Pour Le Bien Commun

 

Ces dernières années, la notion de bien commun s’est retrouvée lentement éclipsée par une actualité à la fois plus préoccupante et plus frivole, reléguant au second plan la réflexion essentielle autour du bien commun, alors que celui-ci forme le coeur même de nos sociétés.

En effet, si cette conscience du bien commun est absente, à quelle humanité se référer dans la destruction et la guerre ? Quel patrimoine préserver de l’oubli ? Quel sens donner à notre action ? Déterminer puis habiter cette notion de bien commun est sûrement crucial dans la perspective de notre existence.

Faire référence au bien commun, c’est faire référence à ce qui nous constitue en tant que communauté – que celle-ci soit celle d’une nation, d’un ensemble d’individus oeuvrant de concert dans un même but, ou encore partageant des valeurs communes. C’est donc un concept qui possède différents niveaux de lecture : matériel (les écosystèmes planétaires) et immatériel (la liberté), sociétal (l’éducation des enfants) et universel (dans le christianisme, par exemple, le bien commun suprême est Dieu).

 “Toutes les apparences d’êtres vivants, de forêts, d’immeubles, de ciel, de sensations, etc., sont perçues comme la manifestation naturelle du bien ultime – la nature primordiale de tous les êtres.” 

Dans la tradition bouddhiste, et en extrapolant ce concept propre aux sociétés occidentales, le bien commun ultime peut se référer à la nature de Bouddha – présente en tous les êtres, mais voilée par les souillures adventices, notamment l’ignorance de ce que nous sommes vraiment – tandis que le bien commun relatif serait alors constitué par tous nos actes tournés vers le bien temporaire des êtres (sauver des vies, soigner, etc.).

C’est typiquement la proposition du chemin du véhicule des êtres d’Éveil (le bodhisattvayāna) : oeuvrer au bien commun via les cinq entraînements sublimes (générosité, discipline, patience, diligence et concentration), pour que naisse le bien commun ultime : la connaissance primordiale. Une fois familiers avec celle-ci, les actes des êtres d’Éveil vont alors s’accomplir pour le bien commun ultime de tous les êtres : c’est l’activité éveillée qui se déploie naturellement via l’entraînement à l’activité de compassion.

Dans la Grande Perfection, la perspective est différente, car cette tradition prend à rebours le point de vue habituel.

En effet, dans la Vue du Dzogchèn, il n’y a qu’un seul et unique bien commun, universel et ultime. Celui-ci se trouve non pas comme résultat d’un chemin, mais à la base même de celui-ci.

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Ceci s’expérimente d’abord lorsque nous sommes présentés directement à notre propre nature essentielle, et que nous la reconnaissons comme telle. Nous reconnaissons alors que dans la vision immense et sans limite qui est présente, tout est Grande Perfection-nature primordiale (tib. : ka dag).

Puis lorsque nous sommes suffisamment revenus à ce premier in-sight fondamental, qui est la pratique de Trekchö, nous percevons clairement que l’expression naturelle de la Base de la réalité est vide par essence, sans objet ni direction. Maintenir la vision de cet aspect ultime de la réalité mène à la réalisation du “petit” corps d’arc-en-ciel à la fin de l’existence : tous les éléments du corps physique deviennent imperceptibles à l’instant où l’activité du yogi/de la yogini devient universelle.

Mais si la durée de l’existence le permet, le yogi/la yogini termine le chemin du Dzochèn avec la pratique de Thögäl. Sur la base de Trekchö se déploient les manifestations spontanées (tib. : lhun grub, prononcé “lhün droup”) des quatre visions de la pratique de Thögäl qui vont progressivement rejoindre leur Base, pureté primordiale. Alors, toutes les apparences d’êtres vivants, de forêts, d’immeubles, de ciel, de sensations, etc., sont perçues comme la manifestation naturelle du bien ultime – la nature primordiale de tous les êtres.

Dès lors, tous les actes, pensées et paroles du yogi/de la yogini sont l’activité spontanée pour le bien commun. Il n’y a plus aucune différence entre l’intention et l’action, entre l’action et le résultat.

Mila Khyentse Rinpoché nous donne une idée de ce que cela peut vouloir dire lorsqu’on en est à ce stade de la vision, lorsqu’il dit : “Lorsque nous avons soif et que nous buvons, tous les êtres boivent également.”

La réalisation définitive d’un yogi ou d’une yogini du Dzogchèn se manifeste alors comme le grand corps d’arc-en-ciel, ou corps de grand transfert : l’entièreté du corps est bien commun universel, radiance lumineuse sans limite qui pénètre le coeur de tous les êtres.

C’est son ultime offrande, le bien commun suprême.

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