L’instruction du “pointé du doigt”

Écrit par Johanne Bernard

Johanne est scénariste pour le cinéma et la télévision, et auteure. Elle pratique la méditation bouddhiste et le Dzogchèn depuis plus de dix ans.

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Dans cet article, Johanne présente la transmission directe du Dzogchèn, ce qu’elle appelle L’instruction du “pointé du doigt” de Garab Dorje.

Pointer la lune

Connaissez-vous l’histoire de l’homme qui pointe du doigt la lune ? Le proverbe dit que si le sage regarde la lune, l’imbécile, lui, regarde le doigt…

Garab Dorje, le premier maître humain du Dzogchèn, selon la tradition Nyingmapa, est représenté assis, le doigt pointé droit devant lui. Si nous savons maintenant qu’il ne s’agit pas de regarder son doigt, la question demeure : que pointe-t-il ?

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Pour vraiment voir ce que pointe Garab Dorje, il faudrait en réalité se mettre à sa place, changer de point de vue… Et c’est précisément à cela que nous invite Garab Dorje : à nous retourner, pour observer, comme dans un miroir, notre propre visage.

 

L’instruction du “pointé du doigt”

Imaginons-nous face à la représentation de Garab Dorje et observons-la, ensemble, un instant : Garab Dorje a la tête légèrement penchée sur le côté. Son visage arbore une expression pleine de compassion. De son corps émane un éclat lumineux. En posture assise, sa jambe droite avancée un peu en avant, il semble reposer dans la détente. Et au niveau de son torse, sa main droite pointe son doigt, droit devant lui… Alors que nous fixons l’image, nous avons l’impression, en ce moment même, que Garab Dorje pointe son doigt dans notre direction, droit sur nous, n’est-ce pas ? Nous pourrions même dire qu’il pointe notre cœur… Mais est-ce vraiment le cas ?

Pour vraiment voir ce que pointe Garab Dorje, il faudrait en réalité se mettre à sa place, changer de point de vue… Et c’est précisément à cela que nous invite Garab Dorje : à nous retourner, pour observer, comme dans un miroir, notre propre visage. Il nous invite à nous retourner, et nous retourner encore… pour finalement parvenir à regarder par ses yeux, à sentir par son cœur, à ne faire qu’un avec son esprit.

La représentation de Garab Dorje pointant son doigt droit devant lui est, en fait, bien plus qu’une image. C’est une instruction, sans parole : une introduction directe à la nature de notre esprit, à la fois symbolique et effective. Car quand Garab Dorje pointe notre cœur, c’est le cœur de la réalité qu’il pointe, son essence, vide et lumineuse. Et dans le miroir qu’il nous tend, c’est le visage de Rigpa, la nature de l’esprit qui se reconnaît elle-même, qu’il nous offre à contempler. Dans la tradition, on parle de ‘libération par la vue’, Tongdrol, comme une des cinq formes de libération par le contact,correspondant aux cinq sens, dont, aussi, le toucher, le goût ou l’ouïe…

Son esprit, notre esprit

Par son geste, Garab Dorje nous montre regarder. Il nous montre la base de notre esprit, présente depuis l’origine. En contemplant l’image de Garab Dorje, nous contemplons notre propre visage et nous réalisons qu’il n’y a ni sujet qui regarde, ni objet qui est regardé, que la dualité n’est qu’illusion.

Comme il est écrit dans le magnifique texte de “L’instruction du pointé de bâton’, de Padmasambhava, un grand maître dzogchèn et bouddhiste, du 8ème siècle :

«  La vue de la Grande Perfection se trouve en toi,

Alors, sois absolument sans doute à son propos et ne cherche nulle part ailleurs. »

Guidés ou seuls, novices ou pratiquants de longue date, laissons notre regard et notre cœur recevoir l’instruction du “pointé du doigt”… Alors, la signification profonde du nom sanskrit de Garab Dorje, Prahé vajra, le Diamant de Joie, se révèlera dans toute sa splendeur.

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